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Explosions au Liban - Maroun Labaki, journaliste spécialiste du Liban, tire à boulets rouges sur le gouvernement: "Le système libanais ne fonctionne plus"

Deux explosions ont ravagé plusieurs quartiers de Beyrouth, la capitale du Liban, mardi en fin de journée pour un bilan lourd: plus de 100 morts, des milliers de blessés et des destructions et des dégâts matériels innombrables. Invité dans le RTLinfo 13h, le journaliste belge d'origine libanaise Maroun Labaki a donné quelques explications sur cette catastrophe.

Selon le Premier ministre libanais, environ 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium étaient stockées dans l'entrepôt du port de Beyrouth qui a explosé, causant des dizaines de morts et des dégâts sans précédent dans la capitale libanaise. Tout le monde était au courant de ce stock, comment est-ce possible que rien n'ait été fait?

"Je crois que les Libanais se posent la question avec effroi aujourd'hui", a confié le journaliste belge d'origine libanaise Maroun Labaki dans le RTLinfo 13h. "Comment est-ce possible que tous ces ministres, de l'Intérieur, de la Défense, des Douanes, du Port, pendant 7 ans, personne n'a bougé? C'est absolument sidérant. Pour moi, c'est une preuve supplémentaire de l'incurie totale des dirigeants libanais. Le système libanais ne fonctionne plus, ce système basé sur une répartition du pouvoir entre les différentes communautés, les différentes confessions ne fonctionne plus. Il est gangrené par la corruption. Les Libanais le savaient parce que la situation économique dans laquelle ils vivent aujourd'hui est absolument indescriptible: la livre libanaise qui vaut 6 fois moins qu'il y a six mois, la classe moyenne en voie de paupérisation, les banques au bord de la faillite, l'Etat qui ne paie plus ses dettes, etc. C'est une situation qui montre une nouvelle fois que notre pays ne fonctionne plus".

L'économie du pays est déjà à terre. Est-ce que cette explosion et le fait que le port soit complètement ravagée peut avoir de conséquences économiques encore plus graves pour le pays?

"Je pense que le Liban ne peut pas aller plus bas dans la situation de crise économique. Je pense qu'il a touché le fond", a estimé Maroun Labaki. "Alors est-ce qu'il peut creuser encore? C'est catastrophique. Les gens sont dans des situations de désarroi inouï. Alors, est-ce que ce gouvernement, est-ce que ce système peut se régénérer et donner un peu d'espoir aux Libanais? Honnêtement, j'en doute. Je crois, comme beaucoup de Libanais, qu'aujourd'hui, il faut une rupture d'une certaine façon. Il faut une rupture institutionnelle. Est-ce que ça passe par une victoire de la révolution citoyenne qui a démarré au mois d'octobre dernier et qui était un très beau mouvement freiné par le coronavirus? Peut-être que cette révolution peut reprendre, qu'elle peut tout balayer. Un deuxième scénario de rupture peut être une prise du pouvoir par l'armée. Le Liban n'est pas habitué à ce genre de choses mais pourquoi pas? L'armée est considérée au Liban comme le dernier rempart de la nation. Est-ce que le dernier rempart de la nation peut dire aujourd'hui 'c'est fini, on arrête, on repart avec un nouveau pacte national, une nouvelle Constitution, de nouvelles élections', c'est possible. Une troisième rupture qui serait la pire à mes yeux mais n'est pas impossible dans le contexte actuel, ce serait une guerre civile sur une ligne chiites-sunnites avec les chrétiens qui seraient divisés. Il y a de bonnes ruptures et de moins bonnes ruptures et de très mauvaises ruptures mais je ne pense pas, honnêtement, et la plupart des Libanais non plus, que ce système puisse se régénérer et fonctionner comme un état normal et moderne".

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