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Expulsé de son église, un pasteur chinois prêt à défier Pékin

Son église a été fermée, ses fidèles expulsés et empêchés de s'approcher du bâtiment. Mais le pasteur Jin Mingri se dit prêt à continuer à prêcher, sans se laisser intimider par les pressions de la police chinoise.

"L'Eglise de Sion", fondée en 2007, était jusqu'à dimanche dernier l'une plus grandes associations protestantes de Chine à n'être pas reconnues officiellement par les autorités.

Lunettes rondes et cheveux poivre et sel, son pasteur et fondateur recevait chaque week-end jusqu'à 1.600 fidèles qui venaient entendre ses sermons au troisième étage d'un immeuble de bureaux de la banlieue nord de Pékin.

Mais le 9 septembre, quelque 70 policiers ont fait irruption, chassant les fidèles et arrachant les panneaux fixés aux murs, raconte le pasteur, lors d'un entretien accordé à l'AFP en chemisette lilas.

Les neuf autres lieux de culte de "l'Eglise de Sion" répartis à Pékin ont également été fermés, mais Jin Mingri assure qu'il continuera à prêcher, à l'extérieur du bâtiment s'il le faut.

"Une église, ce n'est pas juste un lieu: c'est le fait de se retrouver ensemble pour prier", explique-t-il.

Alors que le régime du président Xi Jinping resserre la vis aux religions, notamment catholique et musulmane, le pasteur avertit qu'il y aura "de l'agitation" si le pouvoir tente d'éliminer les cultes.

"Nous devons continuer à nous battre pour la vérité et à défendre notre foi afin de faire face à ce défi", assure-t-il.

- Non aux caméras -

La Chine ne reconnaît officiellement que cinq religions: protestantisme, catholicisme, bouddhisme, taoïsme et islam. Ces dernières sont regroupées en autant d'associations étatiques et tout culte existant en dehors de ces structures est a priori jugé illégal.

Les petites Eglises protestantes non déclarées, dont les membres se réunissent dans des appartements ou des lieux publics, ont cependant fleuri ces dernières années. Elles attirent de nombreux jeunes.

L'Eglise protestante officielle revendique 20 millions de croyants mais certaines estimations parlent de 70 millions, en comptant les institutions non officielles. Les catholiques seraient quant à eux 12 millions, répartis entre l'association étatique et "l'Eglise du silence".

Devant l'ancien site de l'Eglise de Sion, des dizaines de policiers montent encore la garde cette semaine, empêchant les journalistes de l'AFP d'approcher.

Les autorités locales ont confirmé la fermeture de l'Eglise.

"Après enquête, il a été découvert que l'Eglise de Sion de Pékin n'était pas enregistrée. Elle se présentait comme une communauté et organisait des activités sans autorisation", a expliqué le Bureau des affaires civiles du district pékinois de Chaoyang.

Les problèmes ont commencé en février, avec l'entrée en vigueur d'une réglementation plus stricte, raconte le pasteur Jin. Les autorités ont demandé l'installation de caméras à l'intérieur du sanctuaire.

"En 70 ans d'histoire de la République populaire, nous avons subi beaucoup de torts et de souffrances. Les fidèles ne se seraient pas sentis à l'aise si leurs informations personnelles étaient rendues publiques. Alors nous avons dit non" aux caméras, témoigne-t-il.

S'en est suivie une campagne de pressions envers les fidèles, à la maison ou sur leur lieu de travail, certains étant expulsés de leur logement ou invités à démissionner en raison de leurs liens avec l'Eglise, affirme le pasteur.

Le propriétaire du bâtiment a aussi refusé de renouveler le bail de l'église après son expiration en août.

Ces différentes pressions ont coûté 400 fidèles au pasteur Jin, rapporte-t-il. Depuis la fermeture du lieu de culte, il se dit harcelé quotidiennement par les policiers, qui l'ont interpellé brièvement mardi alors qu'il tentait de se rendre sur place pour récupérer des effets personnels.

"Cette façon qu'ils ont de vouloir contrôler la religion... ce sont des méthodes de l'Union soviétique", peste-t-il.

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