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Face aux attaques commerciales de Trump, la partie est délicate pour le Japon

De retour vendredi de Floride où il a rencontré Donald Trump, le Premier ministre japonais peut se féliciter de modestes avancées diplomatiques mais en revanche, il n'a pas échappé aux foudres du président américain sur la délicate question commerciale.

Or pour la troisième économie mondiale, la voie est étroite. "Elle dépend des Etats-Unis à la fois économiquement -- c'est le plus important débouché pour ses exportations -- et du point de vue de la sécurité nationale sur fond d'importants enjeux géopolitiques en Asie", souligne Alicia Garcia Herrero, économiste en chef de la banque Natixis pour l'Asie, basée à Hong Kong.

Et les Etats-Unis jouent de cette influence pour arracher des concessions à leur proche allié.

"Comme le Premier ministre le sait, ils s'en sortent très bien face aux Etats-Unis. Nous avons un très gros déficit", a déclaré M. Trump mercredi en plein déjeuner, tançant publiquement son "ami" Shinzo Abe.

C'est un leitmotiv du locataire de la Maison Blanche, qui ne manque pas une occasion de déplorer les "millions et millions de voitures" japonaises qui envahissent le marché américain, quand très peu de véhicules made in USA sont vendus sur le sol nippon.

- Un 'gros déficit'? -

L'an dernier, le déficit des échanges de marchandises des Etats-Unis avec le Japon s'est élevé à 68,8 milliards de dollars, plaçant l'archipel au troisième rang derrière la Chine et le Mexique sur un solde négatif total (hors services) de 810 milliards avec le reste du monde.

Ces frictions commerciales ne datent pas d'hier. Dans les années 1980, sous la présidence de Ronald Reagan, Tokyo était déjà dans le collimateur de Washington, qui avait multiplié les droits de douanes sur les motos, les télévisions et les ordinateurs nippons et décrété des quotas d'importations sur les voitures et l'acier.

Mais la situation a considérablement changé depuis: de nombreuses entreprises japonaises se sont implantées aux Etats-Unis, en particulier les constructeurs d'automobiles, comme Toyota, Nissan et Honda.

Et si les ventes de voitures pèsent encore lourd (30% des exportations japonaises vers les Etats-Unis en 2017), "le déficit commercial américain avec le Japon est beaucoup plus petit que celui enregistré avec la Chine" (375,2 milliards de dollars selon les statistiques américaines), observe Mieko Nakabayashi, professeure à l'université de Waseda à Tokyo. "Attaquer le Japon ne devrait donc pas être une des premières priorités du président Trump", estime-t-elle.

- Commandes militaires -

Alors que peut faire le Japon pour ne pas courroucer son partenaire ? Pas grand chose, avancent les experts.

"Une grande partie du déficit américain est lié à des importations de composants par des compagnies japonaises qui fabriquent aux Etats-Unis, ou alors à des produits difficiles à remplacer dans lesquels le Japon s'est spécialisé depuis des décennies", note Martin Schulz, économiste de l'institut de recherche Fujitsu à Tokyo.

Ouvrir le marché agricole, mesure impopulaire, "paraît impossible, alors que M. Abe est sous le feu des critiques" en interne du fait de plusieurs scandales politiques, ajoute-t-il.

Et l'option de renforcer les achats de matériel militaire américain - Donald Trump a évoqué des commandes d'avions de chasse pour combler le déficit commercial - "ne peut être étendue indéfiniment", selon M. Schulz.

- Gagner du temps -

Le Japon n'a donc d'autre choix que d'attendre que l'orage passe. Déjà cible des taxes décidées par M. Trump sur l'acier et l'aluminium, "l'archipel veut absolument éviter de se voir imposer des hausses de tarifs douaniers sur d'autres produits", relève Mme Garcia Herrero.

Pour l'heure, les deux parties se sont accordées sur des discussions entre le représentant américain au Commerce (USTR) Robert Lighthizer et le ministre japonais de l'Economie Toshimitsu Motegi.

M. Abe "offre ainsi à son gouvernement du temps pour entériner d'autres alliances de libre-échange qui lui donnent plus de poids", comme le traité de libre-échange transpacifique (TPP) à onze pays et l'accord avec l'Union européenne, a commenté Tobias Harris, vice-président du centre de réflexion Teneo Intelligence.

Tokyo a également repris cette semaine le dialogue économique avec Pékin, pour la première fois en huit ans.

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