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Faris et Thaer, privés des JO de Rio par l'EI, de retour dans la course aux médailles

Ils avaient renoncé aux jeux Paralympiques de Rio en 2016: le groupe État islamique (EI) était prêt à les laisser s'y rendre... à condition qu'ils concourent sous ses couleurs, le drapeau noir des jihadistes. Ils avaient décliné l'offre.

Originaires de Mossoul, désormais libérée de la férule des jihadistes, les haltérophiles Faris al-Ageeli, 44 ans, et Thaer al-Ali, 42 ans, tous deux atteints par le virus de la poliomyélite, n'ont qu'un objectif: gagner aux prochains jeux Paralympiques de Tokyo en 2020.

Ceux de Rio en 2016 - les seuls que les deux hommes aient ratés en plus d'une décennie - ont été "une occasion perdue", raconte à l'AFP Thaer al-Ali, médaillé de bronze à Pékin en 2008 et vêtu d'un polo vert de l'équipe nationale d'haltérophilie.

"L'EI voulait que nous hissions son drapeau au lieu du drapeau irakien dans des compétitions internationales et nous n'avons pas pu aller au Brésil", renchérit Faris al-Ageeli, qui a décroché l'argent à Londres en 2012.

A l'époque, les deux athlètes ont évalué les risques: il y avait les conditions impossibles à tenir de l'EI et l'angoisse de laisser derrière eux leurs familles à Mossoul, à la merci des jihadistes. Ils ont préféré renoncer.

- S'entraîner dans des ruines -

Face à la percée de l'EI, qui s'emparait en 2014 d'un tiers du pays, le comité paralympique irakien a fait preuve de compréhension, assure leur entraîneur depuis 2003, Tamer Ghanem.

"Ils ont obtenu une exemption sans aucune sanction car ils avaient une bonne raison" de ne pas participer, assure à l'AFP cet homme de 57 ans.

Ce rendez-vous manqué n'a pas abattu les athlètes, qui jonglent entre entraînement, travail et vie de famille.

En mai 2017, un mois avant l'annonce en grande pompe de la libération de Mossoul, Faris al-Ageeli s'envolait déjà pour le Mondial d'haltérophilie à Eger, en Hongrie. Là, cet homme à la petite moustache noire et au justaucorps de compétition orange et noir soulevait 215 kg et rapportait l'or à l'Irak dans la catégorie des plus de 107 kg. Avant de remonter sur son fauteuil roulant, tout sourire.

Cette nouvelle médaille n'est qu'un trophée de plus pour le porte-drapeau de l'Irak à Pékin en 2008, qui avait déjà décroché l'or en 2004 aux jeux Paralympiques d'été à Athènes puis en 2006 aux Paralympiques asiatiques en Malaisie, tout en collectionnant les trophées aux niveaux régional et continental.

Thaer al-Ali, lui aussi, était à Athènes en 2004, où il avait décroché le bronze en haltérophilie. Du Mondial en Hongrie, il est revenu l'an dernier avec une médaille d'argent dans la catégorie des moins de 97 kg, en soulevant 210 kg.

Pourtant, aujourd'hui, les conditions d'entraînement de ces athlètes handicapés dans le nord de l'Irak ravagé par la guerre sont loin d'être celles de leurs adversaires.

Faris al-Ageeli a été obligé de transformer le deuxième étage de sa maison en salle d'haltérophilie, faute de mieux. Il a trouvé dans ses quatre filles, dont l'aînée a 12 ans, des aides précieuses pour agencer ses poids ou aménager l'espace d'entraînement.

- "Porter les couleurs de l'Irak" -

Aujourd'hui, ce chimiste en chef de l'hôpital al-Salam de Mossoul, qui a entamé sa carrière sportive en 1997, entend bien "porter haut les couleurs de l'Irak" à Tokyo, "comme lors de toutes les compétitions précédentes".

Thaer al-Ali, qui peine à nourrir ses dix enfants faute de travail, s'entraîne, lui, dans une salle exiguë du complexe sportif public d'al-Mouthanna, en partie détruit par les longs mois de combats pour chasser l'EI de sa "capitale" autoproclamée en Irak.

La peinture fraîchement apposée sur les murs cache mal les stigmates laissés par les obus et les tirs puis par un pillage en règle du centre d'entraînement autrefois bondé.

Poussé par son jeune fils, il arrive en fauteuil roulant aux abords du bâtiment dont des pans entiers ne sont plus que des carcasses de béton sans portes ni fenêtres, celles-ci ayant été prélevées par des pilleurs lors du chaos de la guerre.

Chaque jour, sous une chaleur de plomb faute de climatiseurs (et même d'électricité pour en alimenter), il s'entraîne inlassablement, comme toujours depuis qu'il a commencé l'haltérophilie en 1991, à l'âge de 14 ans.

L'entraîneur Tamer Ghanem espère que les conditions de sécurité s'amélioreront assez pour que les autorités permettent l'envoi d'équipements sportifs vers la province de Ninive où se trouve Mossoul. Jusqu'à présent, le transport de biens et d'équipement lourd doit avoir au préalable la permission des forces de sécurité.

En attendant, Faris et Thaer ont préparé leurs valises et pris leur envol pour l'Extrême-Orient: du 8 au 12 septembre, ils seront au Japon pour les Championnats Asie-Océanie d'haltérophilie paralympique. Avec là aussi un seul objectif: se préparer pour Tokyo-2020.

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