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Femme et mécanicienne dans un Yémen en guerre

Vêtue d'une combinaison ample de mécanicien et couverte d'un hijab gris à dessin cachemire, Dalia al-Moqadam est une pionnière discrète au Yémen. A 24 ans, elle serait l'une des rares, sinon l'unique, mécanicienne dans ce pays ravagé par la guerre.

Cette semaine à Sanaa, la capitale contrôlée par des rebelles, le garage Natco où cette jeune femme travaille comme stagiaire au milieu de voitures étincelantes avait l'allure d'un refuge contre le conflit qui se poursuit depuis trois ans.

Pour Dalia, ce sont des résistances culturelles et sociales, et non le conflit lui-même, qui ont constitué un frein pour sa passion.

"Les difficultés auxquelles j'ai dû faire face au début, c'était le terrain. C'est lourd!", se souvient-elle. "Et si la société n'acceptait pas l'idée? Serais-je capable de travailler dans le secteur que j'aime ou pas?"

La jeune Yéménite raconte à l'AFP que sa famille et ses camarades étudiants en mécanique à l'Université de Sanaa, d'où elle est sortie diplômée en 2017, l'ont pleinement soutenue dès son entrée en activité.

"Beaucoup de gens m'ont soutenue, mais d'autres rejettent l'idée parce qu'ils ne savent pas précisément ce que font les mécaniciens", dit Dalia.

"Ils pensent que c'est un travail corporel intense et que ce n'est pas approprié pour les filles. La société trouve le concept très bizarre", ajoute-t-elle, debout devant une Porsche Cayenne.

Pourtant, personne ne semble prêter attention quand la jeune femme arpente son lieu de travail, au milieu de logos de marques de voitures internationales.

Dalia vérifie une fuite d'huile puis met d'épais gants de mécanicien pour travailler sous un capot.

- 'Question de temps' -

Dans l'atelier automobile, situé dans le quartier chic de Hadda, au sud de la capitale, les clients consultent Dalia pour des problèmes de leurs véhicules.

"Honnêtement, j'ai été surpris par son expertise et son professionnalisme dans ce travail mécanique. Malgré son âge et son sexe, elle se donne à fond dans cette profession difficile", déclare le client Emad al-Azzab à l'AFP.

"Elle a prouvé que ce travail n'est pas réservé aux hommes", ajoute-t-il en souriant.

Le directeur général du centre de réparation, Majid Othman, qui porte un costume élégant et une chemise moulée, précise que Dalia al-Moqadam a apporté de nouvelles idées.

"Nous admirons sa créativité avec la mécanique", dit-il à l'AFP. C'est une nouveauté dans "une société conservatrice comme celle du Yémen".

"Il y a beaucoup de femmes qui conduisent maintenant dans la capitale et il pourrait donc être très positif pour le secteur de la maintenance d'avoir des femmes disponibles. Les clientes peuvent se sentir plus à l'aise avec une femme qu'avec un homme", ajoute M. Othman.

D'après Dalia, c'est juste "une question de temps" avant que la société ne s'habitue à l'idée de voir une femme travailler sous le capot.

"J'étais la seule fille dans ma classe" pendant les études universitaires, souligne-t-elle.

Après avoir obtenu son diplôme, elle a effectué divers stages dans des centres automobiles. Mais un emploi à plein temps est difficile à trouver.

Trois années de guerre et un blocus dirigé par l'Arabie saoudite pour affaiblir les rebelles et remettre le gouvernement au pouvoir à Sanaa ont décimé l'économie yéménite.

Les statistiques officielles les plus récentes du Yémen, publiées en 2013, soit avant le conflit, font état d'inégalités persistantes entre les sexes dans l'ensemble du pays.

Cette année-là, les étudiants hommes étaient presque deux fois plus nombreux que les femmes. L'écart était encore plus net pour l'emploi, une disparité qui s'est probablement aggravée du fait de la guerre.

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