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Frappée par le trafic de drogues, l'Argentine incrédule sur la légalisation

Passé de pays de transit de la drogue à zone de trafic, l'Argentine continue de miser sur la répression pour enrayer la violence et la consommation en augmentation et regarde avec incrédulité l'initiative de son voisin uruguayen de légaliser le cannabis.

Jusqu'à présent relativement épargnée par un fléau continental, l'Argentine fait désormais l'expérience du narcotrafic, en passant de pays de transit vers l'Europe ou l'Afrique à zone d'élaboration de stupéfiants ou de repli et de d'investissement pour narcotrafiquants.

"Malheureusement, le narcotrafic s'est installé cette dernière décennie", déplore le maire de Buenos Aires, Mauricio Macri (droite), l'une des principales figures de l?opposition en Argentine.

"Nous sommes le pays avec le moins de radars (pour contrôler le trafic aérien) de toute l'Amérique latine", assure-t-il, alors que selon lui, le trafic se combat avec des policiers, des radars et des lois sévères.

Avec 10.000 km de frontières et 5.000 km de côtes, sans compter des forces de l'ordre notoirement corrompues jusqu'aux plus hauts niveaux, le pays est devenu un terrain de jeu prisé par la pègre.

Si l'initiative uruguayenne unique au monde de légaliser la production et la vente de cannabis sous contrôle de l'Etat a suscité de nombreuses réactions, notamment dans une Amérique du Sud ravagée par les trafics et leurs cortèges de violence et de corruption, l'Argentine campe sur ses positions.

Pourtant, des pays producteurs comme le Mexique ou la Colombie ont remis en question les politiques centrées sur la répression prônées par les Nations unies et les Etats-Unis depuis plusieurs décennies.

Mais "en Argentine, l'initiative uruguayenne n'a pas provoqué la moindre discussion politique concernant des changements à apporter aux lois sur les drogues", affirme à l'AFP Sebastian Basalo, directeur de la revue thc et promoteur de la légalisation de la marijuana.

Aucun des cinq projets de loi sur le trafic de drogues actuellement débattus au Parlement n'envisage la légalisation du cannabis à grande échelle. Seuls sont envisagés la dépénalisation de la consommation et l'usage thérapeutique.

M. Basalo accuse le gouvernement de centre-gauche d'être le principal obstacle à un projet consensuel présenté l'an dernier prévoyant la dépénalisation de la détention de drogues à usage personnel (comme c'est déjà le cas en Uruguay).

"Malgré l'augmentation du trafic de stupéfiants, les autorités continuent de se focaliser sur la répression des usagers. En 2013, ils ont arrêté 9.414 consommateurs, un toutes les heures !", dénonce-t-il.

- Violence en hausse -

Pourtant, la situation empire, dans ce pays où transite la cocaïne produite dans les Andes (Colombie, Pérou, Bolivie), comme le cannabis en provenance du Paraguay voisin. La violence augmente, les découvertes de laboratoires se multiplient, la consommation croit dans les quartiers pauvres.

Les rubriques de faits-divers se font de plus en plus fréquemment l'écho de meurtres liés à la drogue commis par des hommes de mains circulant à moto, un mode opératoire jusqu'alors inconnu dans ce pays de 40 millions d'habitants.

Et les opérations de police se multiplient. Dans la province de Buenos Aires, qui concentre plus d'un tiers de la population, les saisies de drogues ou d'armes s'enchaînent.

Début avril, à Rosario, troisième ville argentine avec plus d'un million d'habitants, située à 300 km au nord de la capitale, une opération géante a mobilisé 3.000 policiers et débouché sur 89 perquisitions simultanées.

Pour Ricardo Vargas, expert en drogues et directeur du centre d'études "Action andine" en Colombie, l'implantation de trafiquants en Argentine "se produit depuis un certain temps, mais (le sujet) a aujourd'hui plus de visibilité dans les médias".

Votée en décembre, la loi uruguayenne réglemente la production, la distribution et la vente de cannabis, sous contrôle de l'Etat. L'objectif affiché par le président uruguayen Jose Mujica était de retirer un marché aux trafiquants pour s'épargner une coûteuse lutte contre eux.

"Je crois qu'il s'agit d'une bonne loi pour l'objectif que poursuit le gouvernement uruguayen", commente pour l'AFP la député Diana Conti (majorité), auteur d'un texte en faveur de la dépénalisation de la consommation en Argentine.

Cependant, "cette initiative serait impossible" actuellement en Argentine, mais "nous allons voir maintenant quels sont les résultats de cette expérience, comment cela se passe".

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