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GPA: après 18 ans de combat, un couple engagé dans une nouvelle étape en cassation

Énième étape dans le combat judiciaire des époux Mennesson, qui demandent depuis près de 18 ans la transcription en droit français des actes de naissance de leurs jumelles nées par gestation pour autrui à l'étranger, la Cour de cassation réexamine vendredi ce dossier emblématique.

Nées en 2000 d'une mère porteuse en Californie, Fiorella et Valentina Mennesson fêteront leurs 18 ans le mois prochain.

Longtemps cantonnées à l'image abstraite de bébés nés par gestation pour autrui (GPA), à celle de jugements multiples et de débats houleux sur cette pratique interdite en France, elles sont aujourd'hui de jeunes bachelières qui débutent leurs études supérieures et s'expriment désormais en leur nom propre.

Mais "encore aujourd'hui, on nous dit: +Vos filles n'existent pas+", déplore leur mère Sylvie Mennesson auprès de l'AFP. "On n'a toujours pas de lien de filiation formalisé".

La justice a jusqu'ici refusé la transcription en France de l'état-civil américain dans lequel Sylvie et Dominique Mennesson, installés en région parisienne, apparaissent comme parents.

En 2011, à l'issue d'une première série de recours, la Cour de cassation avait tranché: les jumelles ne pouvaient être inscrites à l'état civil français.

Mais les époux Mennesson avaient obtenu gain de cause en 2014 devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui avait condamné la France au motif qu'elle ne pouvait refuser de reconnaître les enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger.

En vertu de cette décision européenne, le couple avait obtenu le réexamen de sa demande de transcription des actes de naissance refusée en 2011: la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, sa formation la plus solennelle, s'y attèle vendredi.

- "Agir sur le politique" -

Les parents Mennesson, qui militent pour la légalisation d'une GPA "éthique", attendent "que les droits des enfants soient respectés", "qu'on soit tous les deux +père et mère+", résume Sylvie Mennesson.

Ils ont une crainte : que la Cour de cassation s'en tienne à sa dernière jurisprudence sur la question.

En juillet 2017, dans une décision qui n'avait contenté ni les partisans de la GPA ni ses adversaires, la haute juridiction avait ouvert la voie à la reconnaissance légale de deux parents en France pour les enfants nés d'une GPA à l'étranger, reconnaissance devant toutefois passer par une procédure d'adoption "simple" par le conjoint du parent biologique.

La mère porteuse ayant reçu des embryons issus des spermatozoïdes de Dominique Mennesson et d'un don d'ovocytes d'une amie du couple, la reconnaissance de la paternité de M. Mennesson paraît désormais acquise, mais s'agissant de la mère, le couple explique que "cette solution d'adopter son propre enfant est légalement impossible".

"C'est totalement absurde, parce que la seule mère qui figure sur l'acte de naissance, c'est moi", résume Sylvie Mennesson.

Leur avocat, Patrice Spinosi, demandera à la Cour de cassation de transcrire les actes s'agissant des deux parents ou, en cas de doute au sujet de la mère, puisque la position de la CEDH reste "floue" sur ce point, d'interroger la Cour européenne avant de se prononcer.

Dans son avis rendu avant l'audience, l'avocat général préconise la solution de l'adoption pour la mère, selon une source proche du dossier.

"Je ne pense pas, malheureusement, que la décision de la Cour de cassation constituera un point final", constate Sylvie Mennesson, qui "préfère se battre collectivement pour agir sur le politique".

Le couple a été auditionné dans le cadre de la révision des lois de bioéthique.

Les filles "en ont vraiment assez qu'on parle à leur place, qu'on fasse de la théorie sur la GPA sans savoir ce que c'est", dit leur mère.

"Ceux qui ont des mauvaises réactions n'ont jamais rencontré des personnes nées grâce à la GPA", soulignait la semaine dernière Valentina dans une interview au Parisien. "Le truc le plus horrible, c’est d’avoir vu ma mère subir autant de violences, de l'avoir vue pleurer et craquer", renchérissait Fiorella.

"Mon existence ne devrait pas être un débat, en fait", souriait la jeune femme aux cheveux décolorés dans une vidéo tournée par le média en ligne Brut en juin.

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