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GPA et filiation: la "mère d'intention" au coeur de débats à la Cour de cassation

A bientôt 19 ans, Fiorella et Valentina Mennesson, nées par GPA aux Etats-Unis, auront-elles bientôt deux parents légaux en France ? La Cour de cassation a réexaminé vendredi le cas devenu emblématique de cette famille, en particulier la question du statut de la "mère d'intention".

La haute juridiction, qui s'est réunie en assemblée plénière, sa formation la plus solennelle, statuera le 4 octobre.

Peut-être l'ultime décision d'une longue série pour la famille Mennesson, en pointe du combat pour la reconnaissance du lien de filiation entre parents et enfants nés à l'étranger par gestation pour autrui (GPA), pratique interdite en France.

Sylvie et Dominique Mennesson réclament depuis des années la transcription en droit français des actes de naissance de leurs jumelles Fiorella et Valentina, nées en 2000 de GPA en Californie, où ce procédé est légal et où ils apparaissent comme seuls père et mère.

En 2011, la Cour de cassation leur avait refusé cette transcription, mais ils avaient ensuite fait condamner la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en 2014, ouvrant la voie à ce réexamen.

Désormais majeures, les deux jeunes femmes ont repris le flambeau.

La jurisprudence de la Cour de cassation permet aujourd'hui à M. Mennesson, père biologique, d'être reconnu comme père légal, ce que devrait ordonner la Cour.

Tout le débat porte sur le statut de Sylvie Mennesson, qui ne pouvait pas enfanter en raison d'une malformation rare et n'a aucun lien biologique avec ses filles. "Mère d'intention", elle les a désirées et élevées, mais en droit français, la mère reste celle qui accouche.

Entre l'"interdit de la GPA en France" et l'"intérêt supérieur de l'enfant", "je reconnais que l'exercice est compliqué", a convenu à l'audience le procureur général François Molins.

Amenée à statuer pour la première fois sur le statut de "mère d'intention", la Cour de cassation avait demandé l'an dernier l'avis de la CEDH.

La justice européenne avait répondu en consacrant le droit à la filiation entre "mère d'intention" et enfant né à l'étranger de GPA, tout en laissant aux Etats la liberté de choisir les moyens de cette reconnaissance, sous conditions d'"efficacité" et de "célérité" pour préserver l'intérêt de l'enfant.

- "À chacun son rôle" -

Pour Mme Mennesson, deux moyens de voir reconnu son lien de filiation étaient évoqués jusqu'ici.

D'une part, l'hypothèse de l'adoption, que les Mennesson ont toujours rejetée. Les filles étant majeures, il s'agirait d'une adoption "simple", "révocable", "qui pose des difficultés en matière de succession", a énuméré leur avocat, Patrice Spinosi.

D'autre part, la transcription des actes de naissance californiens qui ne mentionnent pas la mère porteuse, que les Mennesson demandent depuis le début mais que la jurisprudence ne permet pas jusqu'alors en France.

Théoriquement, la Cour de cassation peut choisir l'une de ces options.

Elle peut aussi choisir une troisième voie avancée par les Mennesson: la "possession d'état".

Ce mode d'établissement de la filiation prévu par le code civil et, dans le cas des Mennesson, constaté l'an dernier par un juge, acte la réalité sociologique d'un lien de filiation.

"Après presque dix-neuf ans, Fiorella et Valentina ont gagné le droit d'appeler leurs parents père et mère, le droit d'avoir un état civil conforme à la réalité de leur quotidien depuis qu'elles sont nées", a insisté Me Spinosi.

Le procureur général s'est prononcé en faveur d'une telle solution. La loi ne permet toutefois pas de l'appliquer aux couples homosexuels, a-t-il précisé.

Le gouvernement avait indiqué la semaine dernière être "suspendu" à la décision à venir de la Cour de cassation pour clarifier l'état du droit pour les enfants nés à l'étranger par GPA.

Comme en réponse, François Molins a déclaré que si "certains attendent de la Cour de cassation qu'elle rende une +grande décision+ de principe fixant le cadre légal, général et absolu de l'établissement de la filiation" pour ces enfants, "ce n'est pas l'office du juge de cassation qui doit s'exercer dans le cadre légal existant, sans se substituer au législateur".

"A chacun son rôle et ses responsabilités", a insisté le magistrat.

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