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Grèce: le débat sur le nom de Macédoine devient aussi politique

Les négociations entre Athènes et Skopje sur le futur nom de la Macédoine ont enflammé ces derniers jours le climat politique en Grèce, le gouvernement accusant l'opposition de droite de vouloir récupérer une manifestation prévue dimanche à Athènes.

Le gouvernement grec est favorable à un règlement du différend avec son voisin, qui remonte à 1991, en acceptant a priori "un nom composé" comme Macédoine du Nord ou Nouvelle Macédoine pour nommer l'ex-République yougoslave, tout en la distinguant de la province frontalière homonyme du nord de la Grèce.

Mais de nombreuses organisations, notamment de la diaspora grecque, des ecclésiastiques ou de petits partis grecs d'extrême droite ou de gauche nationaliste s'y opposent.

Sous le slogan "la Macédoine est grecque", une manifestation est prévue dimanche sur la place Syntagma à Athènes, théâtre de violents rassemblements au pic de la crise grecque (2010-2014).

"C'est la première fois depuis quelques années qu'il va y avoir un rassemblement massif après les grandes mobilisations de la crise", rappelle Manos Papazoglou, professeur de Sciences politiques à l'université de Péloponnèse.

Les organisateurs espèrent une participation de plus d'un million de personnes, "le triple de la manifestation" d'il y a quinze jours à Thessalonique.

Dans cette capitale de la région grecque de Macédoine (nord du pays), une foule nettement plus vaste qu'attendu a déjà protesté contre les projets concernant la Macédoine: "Plus de 90.000 personnes", avait indiqué la police, et quelque 400.000 selon les organisateurs.

- Réaction sociale -

Déjà ce 21 janvier, au moins six députés du principal parti d'opposition de droite, Nouvelle-Démocratie (ND), et autant de la formation néonazie Aube dorée avaient participé au rassemblement, qui se revendiquait pourtant non partisan.

"Ni le gouvernement ni l'opposition ne s'attendaient à ce grand nombre de participants, c'est pourquoi la manifestation d'Athènes est maintenant très suivie par la classe politique", relève pour l'AFP Manolis Alexakis, professeur de sociologie politique à l'Université de Crète.

Les organisateurs assurent que le rassemblement de dimanche ne vise qu'à "envoyer un message fort à la fois à l'intérieur du pays et à l'étranger", sur le seul point de la Macédoine.

"Nous sommes tous des patriotes, il n'y a ni partis ni couleurs", a affirmé Nina Gatzouli, coordinatrice des associations de la diaspora.

Mais pour les analystes, la manifestation prend de plus en plus un caractère politique, en offrant une occasion de dénoncer les politiques de rigueur suivies par le Premier ministre de gauche Alexis Tsipras, malgré ses promesses de mettre fin à l'austérité.

"La place Syntagma sera le point de rendez-vous de différents groupes hétérogènes guidés par des sentiments variés, allant d'une inquiétude profonde quant à la querelle sur le nom à de la désaffection avec la politique du gouvernement", estime ainsi pour l'AFP Nikolaos Tzifakis, également professeur de Sciences Politiques à l'université du Péloponnèse.

Outre "les sensibilités patriotiques du peuple grec", la manifestation "mêle diverses réactions sociales (...) après toutes les mesures (d'austérité), les mensonges, les tromperies et la désillusion infligés par le gouvernement actuel", a également déclaré à la télévision une députée de la ND, Fotini Arabatzi.

- Polarisation -

Dans la foulée, le gouvernement a accusé l'opposition de vouloir transformer la manifestation en épreuve de force antigouvernementale.

Kyriakos Mitsotakis, dirigeant de la ND, a tempéré, soulignant que "c'est un choix personnel de chacun des députés d'y participer ou non".

"Les questions nationales ont toujours été au centre de l'intérêt des Grecs et souvent à l'origine de polarisations de la vie politique", remarque Manos Papazoglou.

La presse s'en mêle: le quotidien de droite Kathimérini accusait ainsi vendredi le gouvernement d'avoir transformé la question de la Macédoine "en spectacle" alors que pour Ethnos (centre gauche) "il est évident que certains souhaitent profiter des manifestations pour leur propre intérêt politique".

Manolis Alexakis met en garde: souvent, les protestations "au prétexte" d'une question nationale, "laissent un espace libre pour les extrêmes, surtout l'extrême droite".

Des néonazis avaient vandalisé après la manifestation de Thessalonique le monument municipal à la mémoire de la Shoah.

A Athènes, diverses associations ont appelé les migrants à la prudence lors de la manifestation.

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