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Guerre d'Algérie: la France reconnaît le droit à une pension aux victimes civiles algériennes

Plus de 55 ans après le traumatisme de la guerre d'Algérie, le Conseil constitutionnel a décidé que les civils algériens ayant subi des dommages physiques du fait de violences liées au conflit pouvaient désormais prétendre à des pensions versées par la France.

Les sages ont censuré les mots "de nationalité française" qui réservaient jusqu'alors ces avantages aux seules victimes françaises, en invoquant le principe "d'égalité devant la loi" garanti par la Constitution.

Le Conseil constitutionnel était saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par un Algérien résidant à Bordeaux, Abdelkader K.

L'homme avait été blessé par balle à l'abdomen en 1958, à l'âge de 8 ans, lors d'un attentat à Mascara, alors que l'Algérie était encore un département français et que lui-même était donc citoyen français.

Il contestait la constitutionnalité de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 qui a créé un régime d'indemnisation des personnes, de nationalité française, victimes de dommages physiques subis en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962, dates du début du conflit et de la composition du premier gouvernement de l'Algérie indépendante.

Dans leur décision, les sages relèvent que la disposition contestée visait à "garantir le paiement de rentes aux personnes ayant souffert de préjudices résultant de dommages qui se sont produits sur un territoire français à l'époque" et ce, dans un esprit de "solidarité nationale".

Les personnes qui ont participé à l'organisation ou l'exécution d'attentats ou d'actes de violences ou qui ont incité à les commettre en sont logiquement exclues.

A l'origine, le législateur avait justifié la création de ce droit à pension pour les victimes françaises par "la carence du gouvernement algérien" à assurer le paiement des rentes à ces victimes prévues dans les accords d'Evian du 18 mars 1962 mettant fin au conflit.

- 'statut de victime' -

Les sages ont jugé jeudi que le législateur de l'époque "ne pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, établir (...) une différence de traitement entre les victimes françaises et celles, de nationalité étrangère, qui résidaient sur le territoire français au moment du dommage qu'elles ont subi".

Ils ont enfin considéré que cette différence de traitement n'était pas plus acceptable en ce qui concerne les ayants-droit des victimes décédées.

"C'est une décision trés forte mais parfaitement logique", a réagi auprès de l'AFP l'avocate du requérant, Me Jennifer Cambla.

"On avait du mal à comprendre cette différence de traitement dans la mesure où tous les Algériens étaient Français durant la guerre d'Algérie. Ce n'était donc pas juste de penser que seuls les Français pouvaient bénéficier de ce droit à pension", a-t-elle expliqué en évoquant la fin d'un long combat judiciaire.

En mars 2016, l'avocate avait obtenu une première victoire, le Conseil constitutionnel ayant censuré une disposition de la même loi qui exigeait d'avoir été Français à la date de sa promulgation pour pouvoir prétendre à une pension. "Mon client, Chérif Y., blessé par balle durant la guerre d'Algérie mais qui n'a obtenu la nationalité française qu'après la loi, a pu, grâce à cette décision, obtenir une pension de 150 euros par mois", a-t-elle rappelé.

Pour l'avocate, "les personnes concernées dont il est difficile d'évaluer le nombre attendent avant tout la reconnaissance par la France de leur statut de victime, car, dit-elle, les pensions ne représentent pas beaucoup d'argent".

Les victimes ou leurs ayants-droit peuvent faire valoir leur droit à un rattrapage sur les cinq années précédent la décision du Conseil constitutionnel, précise-t-elle.

L'Algérie a proclamé son indépendance le 5 juillet 1962, après 132 années de présence française et un conflit qui a fait quelque 400.000 morts selon des estimations d'historiens français, 1,5 million de morts selon les autorités algériennes.

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