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Guerre en Ukraine: "Vladimir Poutine n'est pas suicidaire au point de lancer une guerre ouverte contre l'OTAN"

Nicolas Gosset, chercheur à l’institut Royal supérieur de la défense, était l'invité du RTL INFO 13h pour analyser différents aspects de la guerre en Ukraine. Il a notamment abordé la situation de l'Ukraine par rapport à l'OTAN.

Olivier Schoonejans : Peut-on parler d'invasion pure et simple de l'Ukraine ?

Nicolas Gosset : "Il y a une attaque complète contre le pays. L'invasion, ce sont des forces russes au sol qui progressent sur l'ensemble du territoire. C'est beaucoup moins marqué sur l'ouest. Tout ce qui est à l'ouest du Dniepr, le grand fleuve qui partage l'Ukraine en deux, est quasiment exempt de progrès des forces armées russes. Les forces descendent par le nord, l'est et le sud. Visiblement, il y a une entreprise russe de tenir et de contrôler le territoire dans une très grande moitié est du pays et de descendre sur Kiev avec une intention qu'on présume être celle d'un changement de régime. Les Américains parlent de volonté russe de décapiter le gouvernement ukrainien."

Peut-on faire un parallèle avec la Seconde Guerre Mondiale ?

"On est sur un scénario de guerre éclair qui ressemble fortement à ce qu'on avait vu en Géorgie en 2008, mais avec une intensité plus forte. Et puisque vous faites écho à l'histoire, ça ressemble beaucoup à l'invasion de la Pologne en 1939, quand l'armée allemande du 3e Reich était entrée par la frontière occidentale de la Pologne massivement."

Les conséquences ne seront sans doute pas les mêmes militairement…

"La configuration géopolitique du monde était complètement autre en 1945 qu'elle ne l'est en 2022. Aujourd'hui, nous avons une sécurité sur le continent européen qui est assurée par l'organisation atlantique, qui garantit la sécurité des Européens jusqu'à la ligne orientale de l'appartenance à cette alliance, dont on sait très bien aujourd'hui que l'Ukraine ne fait pas partie, ce qui explique en gros la situation catastrophique qu'elle vit aujourd'hui. L'Ukraine se trouve d'une part bloquée au flan extérieur de l'alliance atlantique et soumise à la pression des Russes qui veulent détruire l'indépendance, la souveraineté de l'Ukraine et l'aspiration à la liberté qu'ont nourri les Ukrainiens depuis la révolution Euromaïdan de 2013-2014."

Depuis plusieurs jours, on parle de sanctions économiques. Peut-on isoler complètement la Russie sur le plan international, comme on le fait avec la Corée du Nord ?

"Comme la Corée du Nord, non parce que c'est un régime autarcique, fermé, dans une configuration bien particulière et très différente. Il est évident qu'ici, l'empilement des sanctions, qui ont été prises depuis 2014 et considérablement aggravées par les deux derniers épisodes de nouvelles sanctions imposées, va mettre sous forte pression les liens économiques de la Russie avec le monde. Maintenant, il faut relativiser en disant que d'une part, le régime russe a préparé son coup, il a augmenté considérablement ses réserves. Il y a toujours le point très contentieux de l'énergie sur lequel on voit que nous-mêmes, Européens, nous avons du mal à nous amputer du gaz et des hydrocarbures russes pour des raisons évidentes. La Russie a diversifié ses relations internationales mais elle se trouve aujourd'hui assez isolée au regard de son action en Ukraine, sauf la Chine. Tout le monde a le regard tourné vers Pékin. Il est évident que le silence de la Chine est un peu complice dans toute cette histoire."

Les Européens laissent-ils tomber l'Ukraine ?

"Il faut d'abord admettre qu'il y a quelque chose de fort et de touchant quand on voit le président constater amèrement la solitude dans laquelle se retrouve l'Ukraine face à l'armée russe. Maintenant, il y a objectivement des raisons que l'on peut comprendre pour contextualiser la situation dans laquelle ça se passe. L'argument de ne pas provoquer l'escalade quand on pensait encore qu'elle pouvait être évitée est un argument valide. On peut relire l'histoire a posteriori, sous l'angle de l'attaque de Kiev que nous vivons aujourd'hui et il y a un sentiment de malaise qui est perceptible. L'Europe, que pouvait-elle faire d'autre que de pousser au maximum les négociations diplomatiques ? Je pense que les initiatives ont été suivies au maximum, notamment dans le chef du président Macron. Aujourd'hui, on se retrouve dans un contexte qui est totalement autre que celui qui a été prévu ou annoncé il y a encore une semaine d'ici."

L'Ukraine est encerclé par toute une série de pays qui appartiennent à l'OTAN. Que se passerait-il si les troupes russes passaient la frontière ?

"On est dans un contexte de guerre où l'élément de dissuasion nucléaire du camp occidental ou du camp russe joue à 100%. Les Européens et les Occidentaux veulent éviter une guerre ouverte avec la Russie, c'est aussi la préoccupation de Vladimir Poutine. Il est agressif, il n'est pas suicidaire au point de lancer une guerre ouverte contre l'OTAN dans laquelle la Russie ne ferait pas le poids. Ce qui est problématique, c'est quand on voit les zones de ciblage des installations militaires ukrainiennes, certaines étaient particulièrement proches de la frontière polonaise notamment, donc de la frontière de l'OTAN. Il est évident que ce type d'opération a toujours une part de risque. C'est la raison pour laquelle il y a tout ce renforcement de ce dispositif oriental de l'alliance pour rassurer nos partenaires d'Europe de l'est."

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