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Hier réfugiés, aujourd'hui Français, ils "comprennent" les migrants

L'un a fui en bateau, l'autre en avion, mais tous deux ont quitté le Vietnam et le régime communiste pour "la liberté". Aujourd'hui, ils ont les yeux rivés sur l'actualité et "comprennent" les millions de réfugiés qui risquent leur vie pour rejoindre l'Europe.

"C'était le soir, mon cousin est venu me chercher et je suis parti. J'ai laissé toute ma famille, mes frères et soeurs. J'avais 13 ans". Toan Nguyen, ex boat people, parle couramment français. Mais dans sa tête résonnent les gémissements en vietnamien de ses compagnons d'infortune, en ce mois de juin 1982, sept ans après la prise de Saïgon par les communistes.

"Il y avait du monde, on était dans un petit bateau. On a quitté le delta du Mékong, on est arrivés à la mer et il y a eu des tempêtes, on a vraiment eu peur. Je pensais que tout était fini", se rappelle-t-il. Mais "on voulait partir, c'était pour la liberté".

Au bout de sept jours de voyage, ils arrivent dans une île d'Indonésie et sont pris en charge par l'Onu et des ONG. Emmené en Malaisie, Toan Nguyen reste un an et demi dans un camp de réfugiés avant de pouvoir partir pour la France.

Aujourd'hui, les images de réfugiés en détresse massés sur des embarcations de fortune rappellent au quadragénaire devenu vendeur de meubles de "mauvais souvenirs": "quand on monte dans un bateau, on ne peut pas faire demi-tour." La peur des pirates, celle de mourir, la faim, la soif... "c'est le cauchemar", lâche l'ancien boat people, "énormément touché" par la photo d'Aylan, Syrien de 3 ans retrouvé mort sur une plage turque.

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Thanh Hoa Tran, 42 ans, garde lui un "excellent souvenir" de son voyage en avion, en avril 1981, grâce à des billets payés par le Secours catholique: pour le petit bonhomme de 7 ans, c'est l'aventure. Mais à côté de lui et de ses quatre frères et soeurs, les parents, qui espéraient partir depuis six ans, sont crispés: "ils angoissaient de ce qui allait se passer derrière".

Le couple quittait une situation de misère: "A la fin, on mangeait au maximum un repas par jour, on achetait un sandwich à crédit. On avait tout vendu, même le toit de la maison".

Les réfugiés qui affluent aux frontières de l'Europe "vivent la même histoire que la mienne", constate Thanh Hoa: "quand il n'y a pas d'avenir pour vous et vos enfants, quand vous ne mangez pas, quand il y a l'insécurité en plus... Vous partez".

Il compare les réfugiés syriens à l'élite vietnamienne partie après la victoire des communistes: "la population qui arrive là, c'est une population d'intellectuels", souligne-t-il, "il y a des pharmaciens, des médecins, des ingénieurs... Ce sont des gens qui vont apporter du dynamisme, créer du travail", estime ce père de deux filles, arrivé sans le sou et aujourd'hui ingénieur informatique.

Ni Thanh Hoa ni Toan n'idéalisent l'exil. L'un se souvient des remarques racistes de ses camarades de classe et du "sentiment de déclassement de son père" dont il ne s'est "jamais remis", l'autre de la "difficulté de la langue" et de la "déprime", loin de sa famille. Mais tous deux sont "très reconnaissants" de l'accueil réservé par la France et pensent qu'elle doit venir en aide aux réfugiés.

"Si on les accueille, qu'on leur donne les moyens de s'en sortir, ils s'en sortiront", assure Thanh Hoa Tran, mais "si on ne leur donne aucune chance de redémarrer leur vie", il craint que leurs enfants gardent un "ressenti contre le pays d'accueil".

L'argument "qu'on est trop pauvres en France pour accueillir du monde" hérisse en tout cas l'ancien réfugié: "S'il y a assez à manger pour quatre, on peut faire une cinquième assiette... Parce que rien ne dit que demain ce n'est pas le cinquième qui va nous nourrir..."

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