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Hong Kong: des manifestantes dénoncent les stéréoypes sexistes

Elle piquait un fard quand ses amis juraient, aujourd'hui l'étudiante Chris Wong est une des milliers de filles qui participent aux manifestations pro-démocratie à Hong Kong et n'hésitent pas à affronter la police.

"C'est le combat de tout le monde, quelque soit le sexe", explique à l'AFP Chris Wong, 19 ans, qui utilise un pseudonyme.

Née dans une famille d'ouvriers apolitique, elle dit avoir ouvert les yeux au fil de la crise politique qui secoue Hong Kong depuis six mois.

Son parcours personnel illustre le rôle clé joué, depuis juin, par les femmes lors des manifestations quasi-quotidiennes, y compris aux avant-postes lorsque les protestations dégénèrent en affrontements violents avec la police.

Les femmes représentent plus de 25% des 5.900 personnes arrêtées depuis début juin et les admissions à l'hôpital affichent une proportion similaire, soit 28%.

Lors des fréquents affrontements avec la police, elles ont été nombreuses parmi les "braves", surnom donné aux manifestants des premières lignes.

Vêtues de noir, comme leurs homologues masculins, elles ont lancé cocktails Molotov et pavés contre les forces de l'ordre qui répliquaient avec force gaz lacrymogène et balles en caoutchouc.

Chris Wong se décrit comme une personne introvertie qui, avant le début du mouvement, n'osait pas passer au feu rouge ou prendre la parole en classe.

Si elle a rejoint très tôt le mouvement pro-démocratie, elle s'est longtemps tenue à l'écart des premiers rangs de manifestants, préférant concevoir des tracts ou participer à l'organisation des rassemblements.

- "Pas d'avenir" -

C'est en août qu'elle s'est radicalisée, quand Pékin et l'exécutif local ont refusé toute concession aux manifestants et que la répression policière s'est accentuée. Un jour, au milieu des gaz lacrymogènes, elle a assisté, impuissante, à une interpellation violente.

"J'ai réalisé combien j'étais inutile - incapable de sauver quiconque - donc j'ai commencé à m'entraîner", se souvient-elle.

Mi-novembre, à l'Université Polytechnique (PolyU), elle a fait partie des centaines de protestataires radicaux qui ont pris part à une longue et féroce confrontation avec la police.

Une seule chose la motive: sa conviction que Pékin est en train d'éroder les libertés dont jouissent les Hongkongais. "La ville est en si mauvais état qu'il n'y pas d'avenir ni de marge de manoeuvre pour notre génération si nous ne nous battons pas", soutient-elle.

Les forums en ligne utilisés par le mouvement pro-démocratie regorgent de discussions concernant la participation des femmes et s'interrogeant pour savoir si elle contribue à lutter contre les stéréotypes.

Beaucoup soutiennent que cela permet de briser l'image de la "gong nui", "la fille de Hong Kong", apolitique, superficielle et intéressée surtout par l'envoi sur Instagram de photographies des plats qu'elle déguste ou l'organisation de voyages à l'étranger.

D'autres commentaires sur les forums se révèlent cependant très sexistes. Et sur les tracts des manifestants, influencés par les mangas, les femmes ont souvent les traits d'ingénues aux grands yeux ayant besoin de la protection de manifestants de sexe masculin, ou comme des guerrières sexy aux proportions improbables.

- Aucune limite -

La jeune étudiante assure avoir découvert, lors des manifestations, n'avoir aucune limite. "Je n'ai jamais le sentiment que +les filles ne doivent pas faire ça+ et je me fiche des attentes sociales", dit-elle.

Les stéréotypes sur la "faiblesse" féminine peuvent même se révéler un atout. "Cela m'offre plus de flexibilité pour changer de rôle, par exemple passer de manifestante des premières lignes à simple passante qui en réalité repère les barrages de police".

Susanne Choi, chercheuse à l'Université chinoise de Hong Kong, a étudié la participation des femmes aux manifestations.

"La nature de ce mouvement sans chefs et décentralisé permet aux femmes - et en gros à tout le monde - de jouer un rôle en fonction de sa volonté et de ses capacités", explique Mme Choi à l'AFP.

Elle ne pense pas pour autant que les manifestations aient suscité un sursaut féministe dans une société hongkongaise conservatrice. "De nombreuses participantes ont tendance à banaliser l'inégalité dans les manifestations", déplore-t-elle.

Chris Wong dit redouter, comme beaucoup d'autres manifestantes, des agressions sexuelles. Dans une affaire devenue virale sur internet, une adolescente a affirmé avoir été contrainte d'avorter après un viol collectif par des policiers dans un commissariat en septembre. La police a indiqué enquêter.

L'Association de lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes déclare avoir réuni des preuves de cas de harcèlement sexuel, agressions et viols lors des manifestations.

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