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Immigration: Paris tente de ramener Rome vers un consensus européen

Avec un ton "franc et direct", le Premier ministre français Edouard Philippe a tenté lundi soir de ramener le dirigeant souverainiste italien Matteo Salvini vers l'idée d'une solution européenne sur le dossier de l'immigration, sur fond de tensions entre Rome et Paris.

Avec quel succès? Le vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur italien, chef de la Ligue (extrême-droite), est reparti en disant qu'il devait "travailler avec tout le monde" mais qu'il se "sentait plus proche des positions" de la dirigeante française d'extrême-droite Marine Le Pen que de celles de M. Philippe.

Les deux hommes participaient lundi soir à Lyon à un "G6" des ministres de l'Intérieur, où le Premier ministre, ministre de l'Intérieur par intérim, remplaçait le ministre démissionnaire Gérard Collomb dans l'attente d'un remaniement de l'exécutif Macron.

Cette structure informelle, qui se réunit en moyenne une fois par an, rassemble les ministres de l'Intérieur des six plus grands pays de l'Union européenne (Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie, Pologne et France) pour tenter de faire émerger des consensus en amont des réunions européennes à 28.

Le dîner de travail lundi soir à Lyon était consacré aux questions migratoires. Un sujet de tensions depuis cet été entre l'exécutif d'Emmanuel Macron et le nouveau gouvernement italien mené par Giuseppe Conte avec l'appui de la Ligue de M. Salvini et du mouvement antisystème 5 étoiles.

Lundi matin, M. Salvini avait accueilli Marine Le Pen à Rome. Ils s'en étaient pris au "bunker de Bruxelles" en vue des élections européennes de 2019.

"J'utilise rarement les mêmes mots et le même vocabulaire (que M. Salvini, ndr), ça ne m’empêche pas d'être direct aussi", a affirmé M. Philippe à son arrivée à Lyon.

"Au-delà des postures, la question de l'immigration ne trouvera pas une réponse nationale. Elle exige une coordination, c'est un sujet complexe d'intérêt commun. Moi, je considère qu'il faut l'aborder avec ses convictions, le respect des intérêts nationaux, mais aussi l'envie de construire une position commune qui seule permet de trouver une solution", a fait valoir le Premier ministre.

La France, qui accuse Rome de bloquer un consensus européen, pousse notamment le gouvernement italien à mettre en oeuvre l'accord européen trouvé à Bruxelles en juin pour des "centres contrôlés" aux portes d'entrée des migrants dans l'Union européenne. Ainsi qu'à abandonner la politique de M. Salvini des "ports fermés" aux bateaux de migrants.

- Espagne-Maroc -

Sur le premier point, le commissaire européen aux Migrations, Dimitris Avramopoulos, a proposé d'établir un "modèle-test" de centre contrôlé afin "de démontrer que c'est possible", a rapporté un responsable de l'Intérieur français.

Sur le second sujet des ports, l'Italie doit assurer ses missions lorsqu'elle est le port sûr le plus proche d'un navire, "mais ce port sûr doit faire l'objet d'une solidarité forte" des autres pays européens, qu'il s'agisse de la répartition mais aussi d'un nombre renforcé d'expulsions des déboutés du droit d'asile, a indiqué la même source.

La réunion visait à préparer une réunion des ministres de l'Intérieur des 28 vendredi à Luxembourg, ainsi qu'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement fin octobre.

Quand des pays anti-immigration comme la Hongrie et la Pologne refusent toute répartition obligatoire intra-européenne des migrants, une piste de consensus est que certains pays puissent contribuer à la solidarité "sous d'autres formes", par exemple financière.

Mais les détails précis restent à définir. Et il faudrait tout de même "15 à 20" pays qui acceptent de se répartir des réfugiés, "contre 5 à 7 actuellement", souligne Beauvau.

Le Maroc était également représenté lundi soir par son ministre Abdelouafi Laftit, sur fond d'inquiétudes en Europe face au nombre croissant de migrants arrivant en Espagne via le royaume du Maghreb, principale voie d'immigration illégale vers le Vieux Continent.

La question du retour d'immigrés marocains vers leur pays, notamment des milliers de mineurs non accompagnés en Espagne et en France, a été abordée. "C'est en cours de règlement", a déclaré le ministre marocain à l'AFP.

La réunion du G6 se poursuit mardi sans Edouard Philippe, rentré à Paris pour le remaniement de son gouvernement mené avec le président Macron.

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