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La moitié des campements de migrants vidés dans le nord-est de Paris

Plus de 1.600 migrants, soit près de la moitié des occupants de campements insalubres du nord-est parisien, ont été évacués dans le calme jeudi matin lors d'une opération d'envergure, signe selon les autorités d'un "changement de braquet" gouvernemental sur l'immigration.

Baluchon sur l'épaule ou sac à la main, parfois enveloppés dans des couvertures sous une pluie battante dès l'aube, 1.606 personnes, selon les chiffres de la Préfecture de police, sont montées dans des bus pour être mis à l'abri dans une quinzaine de gymnases en Ile-de-France ainsi que dans des centres d'accueil.

Parmi les délogés, qui ont laissé derrière eux des tentes vides sous le périphérique, de nombreux Afghans et originaires d'Afrique sub-saharienne, ainsi que des familles avec enfants.

L'évacuation concernait deux importants campements regroupés en 1km² à cheval sur Paris et la Seine-Saint-Denis, l'un Porte de la Chapelle, l'autre à Saint-Denis.

Un troisième, Porte d'Aubervilliers, regroupe l'autre moitié des quelque 2.000 à 3.000 exilés dans les campements de la zone, et doit être évacué dans les prochaines semaines.

"L'essentiel pour nous est de faire en sorte que les sites ne se reforment pas", a dit Christophe Castaner, en visite dans l'après-midi dans un centre d'accueil près de la porte de la Chapelle.

Pour y parvenir, l'Etat s'appuiera sur "la présence policière" et sur "les aménagements qui ont été mis en place" à Calais et autour, où un immense camp de fortune surnommé la "jungle" avait été démantelé fin 2016, a expliqué le ministre de l'Intérieur.

Environ 600 policiers étaient mobilisés pour cette évacuation d'une ampleur inédite depuis plus d'un an dans la capitale, qui intervient au lendemain de la présentation par le gouvernement d'un plan immigration controversé.

- "J'aurai un toit" -

Awa, Ivoirienne de 32 ans, dormait dans une tente Porte de la Chapelle depuis son arrivée en France il y a un an. "Il pleut, il fait froid. Je ne sais pas où je vais, mais ça me fait plaisir d'y aller, parce que j'aurai un toit ce soir", dit-elle à l'AFP en emportant juste un sac à dos.

"Je ne peux pas laisser une situation de danger de cette nature (...) tout ça ne peut plus durer", a expliqué sur place le préfet de police de Paris Didier Lallement.

"Jusque-là, on avait des opérations de mise à l'abri de 200, 300 personnes, mais on ne vidait jamais les campements et ils revenaient. Avec cette opération, on a un objectif de zéro retour", explique-t-on à la PP.

Le préfet de police, qui a pris un arrêté d'évacuation, jugeait que les campements prenaient "trop d'ampleur" et qu'une "délinquance" s'y installait, dans une situation devenue "incontrôlable", selon la même source.

La préfecture évoque 213 atteintes aux personnes répertoriées sur le "secteur" de la Porte de la Chapelle depuis début 2019.

- "Vidéo-patrouilles" -

Alors que les files d'attente s'allongent devant les cars, Mahar, 21 ans, originaire du Pakistan et arrivé en France il y a 4 mois, montre des cicatrices après plusieurs tentatives de suicide. "Je vais être hébergé mais j'y vais surtout parce qu'on m'a dit qu'il y aurait une aide pour les formalités administratives, pour que je puisse demander l'asile", explique-t-il.

Les mises à l'abri se font sur la base du "volontariat" et sont "inconditionnelles", a insisté de son côté le préfet de la région Ile-de-France, Michel Cadot.

"Chaque fois on nous a dit ça ne se reproduira plus", souligne la maire de Paris Anne Hidalgo, présente également, rappelant qu'il s'agit de la 59e mise à l'abri depuis l'été 2015. "Ça faisait des mois qu'on demandait cette mise à l'abri", explique-t-elle à l'AFP, "mais en évacuant ces camps et pas la Porte d'Aubervilliers, on court le risque d'une reformation".

Pour éviter ce phénomène, des forces mobiles doivent "tourner 24h/24 sur place", pour effectuer des contrôles et "placer en centre de rétention s'il le faut", note de son côté la PP. Le tout accompagné d'un "dispositif de vidéo-patrouilles".

Un dispositif policier ? Pierre Henry, directeur de l'association France Terre d'asile, qui opère les comptages sur ces camps, pense plutôt qu'il faudrait "mettre des moyens" et avoir "une capacité d'hébergement". "Sans dispositif pensé nationalement", craint-il, "ça recommencera".

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