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Inde: un an après la dépénalisation de l'homosexualité, le combat continue pour les LGBT+

Le 6 septembre 2018, le drapeau arc-en-ciel fleurissait dans de nombreuses villes d'Inde pour fêter la dépénalisation de l'homosexualité par la Cour suprême. Un an après, la communauté LGBT+ poursuit son combat pour être progressivement acceptée par la société indienne.

"C'était énorme, c'était comme obtenir l'indépendance", se souvient Vivek Kishore, un jeune homme de 24 ans qui vit en couple avec son compagnon Vishwa Srivastava. "Ma première pensée a été que nous pouvions coucher ensemble, ce n'était plus pénalisé."

En couple depuis 2016 après s'être rencontrés dans un café, les deux hommes reçoivent l'AFP à leur domicile de Gurgaon, ville satellite de la capitale New Delhi. Tout au long de l'interview, ils se fixent l'un l'autre, assis en tailleur. Leurs orteils sont entremêlés.

Les deux gays ont vécu de première main les conservatismes de la société lorsque les parents de Vivek ont découvert qu'ils vivaient ensemble. Ils ont été frappés, insultés et même menacés d'être dénoncés à la police.

En vertu d'un article du code pénal datant du XIXe siècle, que la Cour suprême a déclaré inconstitutionnel et discriminatoire l'année dernière, les relations sexuelles entre personnes de même sexe étaient jusque-là passibles de prison. Dans les faits, les poursuites étaient cependant rarissimes.

"Légalement, ma famille homophobe ne peut plus rien faire contre moi", relève Vivek.

L'année écoulée a connu certains signes d'une évolution lente mais graduelle des mentalités en direction d'une meilleure acceptation de la communauté LGBT+.

Des personnages gays ont figuré dans des séries ainsi qu'un film de Bollywood. Des restaurants et cafés se sont déclarés ouverts aux population gays.

En mai, la sprinteuse Dutee Chand est devenue la première athlète indienne à révéler publiquement son homosexualité. Les dernières "marches des fiertés" ont fait le plein de participants.

- "Stigmatisation" -

"La loi est peut-être partie mais la stigmatisation sociale est toujours là. J'essaye de ne pas me soucier de ce que disent les gens dans mon dos, mais je sais qu'ils parlent", explique Priti, la mère de Vishwa Srivastava, qui défend l'homosexualité de son fils face aux proches et aux voisins.

"Mais si vous montrez que vous n'avez aucun problème avec l'homosexualité de votre fils, alors les autres laissent tomber", ajoute-t-elle.

La dépénalisation de l'homosexualité est l'aboutissement de décennies de combat juridique en Inde.

La communauté LGBT+ avait obtenu une grande victoire en 2009 lorsqu'un tribunal de Delhi avait estimé que l'article incriminé du code pénal ne pouvait s'appliquer aux relations homosexuelles consenties.

Mais des groupes religieux de tous bords avaient fait appel de cette décision, qui avait été annulée en 2013 par le Cour suprême. Deux juges de la haute instance judiciaire avaient alors estimé que cette question était du ressort du législatif, et non du judiciaire.

Un groupe de plaignants en vue - parmi lesquels un danseur et un directeur d'une chaîne d'hôtels de luxe - avait approché à nouveau la Cour suprême, pour finalement obtenir la dépénalisation en septembre 2018.

"C'est très important que les gens qui possèdent une notoriété l'utilisent car il n'est pas facile" de révéler son homosexualité, indique Anjali Gopalan, l'une des plaignants à avoir saisi la Cour suprême et militante pour les droits des homosexuels.

Pour la communauté indienne LGBT+, la marche vers l'égalité des droits reste encore longue. Aucune autorisation du mariage homosexuel n'est en vue.

Vivek Kishore et Vishwa Srivastava se sont mariés en 2017 au cours d'une cérémonie hindoue, mais leur union n'a aucune valeur légale.

"Notre vie est comme celle de n'importe quel couple hétérosexuel mais nous ne pouvons demander aucune allocation liée au mariage, comme la santé ou les droits de propriété", explique Vishwa, formateur de professeurs.

"Si l'un de nous meurt, Dieu nous en garde, nous ne pouvons même pas réclamer la dépouille de l'autre. C'est si perturbant."

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