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Indifférence et critiques au Mexique après la demande d'excuses à l'Espagne

Les Mexicains oscillaient entre indifférence et réprobation après la demande d'excuses à l'Espagne de leur président Andrés Manuel Lopez Obrador pour les abus contre les indigènes commis durant la Conquête espagnole, appelant le dirigeant à se concentrer plutôt sur le sort du pays.

"Sincèrement, c'est déplacé, je crois qu'il existe d'autres problèmes qui mériteraient davantage son attention", déclare à l'AFP Tristan Velazquez, un employé municipal de la ville de Mexico âgé de 23 ans. "Il est arrivé avec un programme de changement, de transformations qui doivent être visibles, dont on a réellement besoin, et non pas avec ce type d'idées".

"Il y a des sujets vraiment plus importants auxquelles il devrait consacrer son temps", confirme Alexa Garcia, 27 ans.

Sur les réseaux sociaux, certains internautes mexicains s'en donnaient à coeur joie, proposant que le président que l'on surnomme AMLO, suivant ses initiales, demande aussi aux Etats-Unis de rendre le territoire perdu par le Mexique après la guerre de 1848.

D'autres se demandait si la France allait réclamer au Mexique de payer pour les gâteaux de la "guerre des Pâtisseries", comme on appelle la première intervention des troupes françaises au Mexique en 1832, durant laquelle un pâtissier accusait des officiers mexicains d'avoir mangé sans payer.

Lundi, M. Lopez Obrador annonçait avoir envoyé une lettre au roi d'Espagne et au pape François "pour que le récit des abus soit fait et que des excuses soit présentées aux peuples indigènes (du Mexique) pour les violations de ce qu'on nomme aujourd'hui leurs droits humains".

Le Mexique va commémorer en 2021 le bicentenaire de son indépendance et les 500 ans de la chute de Tenochtitlan, ancien nom de Mexico sous domination aztèque. Le président disait y voir l'occasion d'une "réconciliation historique".

Il s'était également rendu à Centla, théâtre de la première bataille entre Hernan Cortes et les peuples indigènes, le 14 mars 1519.

- "Le Mexique n'existait pas" -

Le gouvernement espagnol a répondu sèchement, dans un communiqué lundi soir, que "l'arrivée, il y a 500 ans, des Espagnols sur le territoire mexicain actuel ne peut pas être jugée à l'aune de considérations contemporaines".

"Nous n'allons pas tomber dans la confrontation ni avec le gouvernement espagnol, ni avec aucun gouvernement", a relativisé mardi le président mexicain lors de sa conférence de presse quotidienne. "La démarche que nous adoptons, à notre avis, peut aider à unir davantage nos peuples".

Des historiens mexicains et fins connaisseurs du pays ne cachaient pas non plus leur réprobation.

"A cette époque, le royaume de Castille, d'Aragon et de Navarre étaient des nations différentes. Et le Mexique en tant que tel n'existait pas", a déclaré à la radio MVS l'écrivain à succès Francisco Martin Moreno, spécialisé dans les romans historiques.

L'historien Lorenzo Meyer a critiqué la méthode. "Il est impossible que le Mexique exige (de l'Espagne) des excuses, même si (Mexico) va célébrer les 500 ans de cette rencontre brutale. En forçant les choses, tout ce qu'on peut obtenir c'est une réponse indignée, du genre: pour qui vous vous prenez?", a-t-il déclaré à l'AFP.

Plusieurs personnalités politiques et du monde de la culture ont dit leur indignation mardi en Espagne.

Seul l'historien mexicain Pedro Salmeron voyait d'un bon oeil la demande du président. "J'approuve la demande d'excuses, non pas au Mexique, qui n'existait pas alors, mais aux peuples indigènes", a-t-il écrit sur Twitter.

De son côté, le Vatican a rappelé sur son site internet que plusieurs papes avaient déjà présenté leurs excuses pour les abus commis contres les peuples indigènes au nom de l'évangélisation.

Le pape Jean Paul II l'avait fait en 1992, lors du 500e anniversaire du débarquement de Christophe Colomb en Amérique, et le pape François à deux reprises ces dernières années: en Bolivie en 2015 et au Mexique en 2016.

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