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Irak: Paris appelle à des élections "vertueuses", participera à la reconstruction

Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a appelé lundi à Bagdad à des élections "vertueuses" en mai en Irak, après la victoire sur les jihadistes, et à une réconciliation nationale intégrant les sunnites et les Kurdes.

M. Le Drian a aussi promis que la France prendrait toute sa part dans la reconstruction de l'Irak, un enjeu titanesque de près 90 milliards de dollars (73 milliards d'euros) au cœur d'une conférence internationale qui s'est ouverte lundi au Koweït.

"Le processus électoral (doit) se dérouler dans les meilleures conditions et s'appuyer sur une logique inclusive (...) respectant les différentes communautés", a-t-il déclaré, citant les musulmans sunnites, les chrétiens, les Kurdes et les yazidis (minorité kurdophone adepte d'une religion ésotérique monothéiste).

Les jihadistes ont surfé en Irak sur l'exclusion des sunnites au profit de la majorité chiite depuis l'élimination du dictateur sunnite Saddam Hussein. Ils pourraient refaire surface, comme en 2006 et 2014, si la minorité sunnite se sent de nouveau marginalisée.

"Nous sommes dans une période où l'Irak a besoin de stabilité, de reconstruction, de réconciliation. C'est l'articulation de ces trois logiques qui permettra des élections sereines et (... ) un gouvernement inclusif", a ajouté M. Le Drian.

- Prudence -

"C'est vrai que territorialement Daech (acronyme arabe du groupe Etat islamique) a disparu d'Irak mais il n'a pas disparu encore complètement de Syrie, donc je suis très prudent", a confié le ministre à des journalistes en soulignant que le "combat n'est pas fini".

"Il y a aussi des cellules dormantes qui peuvent se réveiller rapidement si les mesures ne sont pas prises pour accélérer la réconciliation", a-t-il ajouté.

Le chef de la diplomatie française, qui s'était déjà rendu en Irak en août, s'est entretenu avec le Premier ministre Haider al-Abadi, le président Fouad Massoum et le chef du Parlement Salim al-Joubouri, représentant respectivement chiites, sunnites et Kurdes.

M. Abadi a proclamé en décembre la victoire sur l'EI qui avait menacé en 2014 jusqu'à l'existence même de l'Etat irakien en s'emparant d'un tiers de son territoire.

La France a été un des principaux contributeurs de la coalition internationale antijihadistes qui a appuyé les forces irakiennes.

"Nous avons été présents dans le combat contre Daech, nous devons être présents dans la paix", a assuré M. Le Drian qui assistera mardi à la conférence sur la reconstruction de l'Irak à Koweit avec une vingtaine d'entreprises françaises.

"L'Irak est un paix riche. Dès que la mise en œuvre de la reconstruction se fera, il trouvera les ressources nécessaires pour la financer", a-t-il relevé.

En 2017, la France a accordé un prêt de 430 millions d'euros à l'Irak, deuxième producteur de pétrole de l'Opep mais dont le budget a été fortement grevé par l'effort de guerre et la chute des cours du brut.

Elle va aussi participer à la reconstruction de l'université de Mossoul, deuxième ville d'Irak et ex-fief de l'EI. "Mossoul c'est le symbole de la grande bataille contre Daech, c'est aussi le lieu de la création intellectuelle et historique de l'Irak", a affirmé M. Le Drian.

Le ministre a aussi "fait savoir" à ses interlocuteurs l'opposition de la France à la peine de mort alors que deux Françaises attendent leur procès en Irak pour avoir rejoint l'EI. Elles risquent la peine capitale.

- Contentieux avec les Kurdes -

"Comme chaque fois qu'un Français est condamné potentiellement, nous agissons de manière très forte pour faire connaître notre position. Mais pour l'instant la procédure n'a pas commencé", a-t-il noté.

Les jihadistes devront "être jugés sur les lieux de leurs crimes, c'est-à-dire en Irak" ou en Syrie, a-t-il toutefois insisté en rappelant que seuls les enfants de jihadistes étaient susceptibles d'être rapatriés en France.

En 2017, 106 exécutions ont eu lieu en Irak et l'ONU a réclamé un "moratoire immédiat".

M. Le Drian s'est aussi rendu au Kurdistan irakien après le récent fiasco du référendum d'indépendance et la reprise par le pouvoir central du contrôle de la riche province pétrolière de Kirkouk.

A Erbil (nord), il a été reçu par Netchirvan Barzani, qui dirige avec le vice-Premier ministre Qoubad Talabani le gouvernement régional depuis la mise à l'écart en octobre de son oncle Massoud Barzani.

"Il est vraiment très souhaitable que les deux parties puissent surmonter leurs différends", a estimé le ministre français rappelant qu'à ses yeux le référendum d'indépendance "n'était pas une initiative opportune".

La France entretient des liens historiques d'amitié avec les Kurdes irakiens, qui ont activement participé à la bataille contre l'EI.

Elle cherche aussi à faciliter le dialogue entre Bagdad et la région autonome entre lesquels demeurent de nombreux contentieux.

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