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Jacques Chirac: une carrière unique, des postures multiples

Il aura tout fait dans la République. Et pour atteindre le sommet, Jacques Chirac a emprunté, d'un pied toujours assuré mais changeant, les sentiers idéologiques les plus variés.

"Il refusait le système politique, l'organisation idéologique qui pouvait emprisonner son action et sa pensée", a résumé l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin jeudi matin, en guise de définition impossible du "chiraquisme".

Retour sur les positions et postures successives de celui que la droite a parfois hésité à compter parmi les siens, et que la gauche a longtemps cru réactionnaire, avant de voir en lui un rempart républicain.

. Gaulliste version Pompidou

Jacques Chirac commence sa carrière politique nationale en 1967 dans une France en pleine expansion. Il met ses pas dans ceux de Georges Pompidou, Premier ministre du général de Gaulle, puis président bâtisseur et cocardier. Autoroutes, centrales nucléaires, Concorde, grandes surfaces et grands ensembles: la France s'équipe et s'enrichit plus vite que jamais auparavant. Au ministère de l'Agriculture, Chirac accompagne la révolution économique du monde paysan. Il adhère sans réserves à Pompidou - qui lui donne affectueusement le surnom de Bulldozer.

. Le travaillisme à la française

En 1976, Jacques Chirac démissionne de Matignon, dans un nouvel épisode de la guerre des droites. Il crée le RPR, qui se veut une alternative gaulliste et populaire au giscardisme libéral et bourgeois, ainsi qu’à la gauche "socialo-communiste". L’objectif est de ramener au gaullisme le vote des ouvriers et des employés.

. L’appel de Cochin

Le président Valéry Giscard d'Estaing promeut l’intégration européenne dans la campagne pour la première élection au suffrage universel du Parlement européen, prévue en juin 1979. Jacques Chirac prend le contrepied et défend bruyamment une Europe des nations. Hospitalisé à l'hôpital Cochin, à Paris, après un accident de voiture, il dramatise l'enjeu en dénonçant dans un communiqué le "parti de l'étranger". C'est l'époque où le Canard enchaîné le surnomme "facho Chirac".

. Reagan, Thatcher... Chirac ?

Alors que la France, au tournant des années 80, s'est choisi un chef d'Etat socialiste avec François Mitterrand, une révolution libérale et dérégulatrice s'épanouit aux Etats-Unis avec Ronald Reagan (1981-1989), et au Royaume-Uni avec Margaret Thatcher (1979-1990). En vue des élections législatives de 1986, la droite française adopte avec succès ce discours très éloigné du travaillisme de 1976. De retour à Matignon, Jacques Chirac commencera par mettre en oeuvre un programme de privatisations.

. De la fracture sociale à la fracture du septennat

Jacques Chirac, marginalisé dans son camp par Edouard Balladur à l'approche de la présidentielle de 1995, retrouve des accents sociaux pour analyser la "fracture sociale" qui s'approfondit en France entre riches et pauvres. Élu à l'Elysée après avoir dépassé M. Balladur sur le fil au premier tour, il confiera rapidement au gouvernement d'Alain Juppé une feuille de route économique et sociale plus classique, à base de désendettement et de réformes des retraites. Deux ans plus tard, une dissolution malavisée contraint Jacques Chirac à une cohabitation avec la gauche de Lionel Jospin.

. Au nom de la République

La présidentielle de 2002 s'annonçait de longue date comme le match retour des législatives de 1997. Contre toute attente, M. Jospin échoue à se qualifier pour le second tour: c'est Jean-Marie Le Pen que Jacques Chirac doit affronter. Le président sortant refuse de débattre avec son adversaire et réitère son refus de toute compromission avec l'extrême droite. La gauche entend le message de "cordon sanitaire" et appelle à voter pour lui. En mars 2007, alors que sa carrière politique est sur le point de s'achever, Jacques Chirac lancera un dernier appel à ses concitoyens: "Ne composez jamais avec l'extrémisme, le racisme, l'antisémitisme ou le rejet de l'autre".

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