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Jean-Marc Reiser, "Dr Jekyll et Mr Hyde" devant les assises

"Charmant", "intelligent", "cultivé" d'un côté, "impulsif", "violent" et "manipulateur" de l'autre : jugé devant les assises du Bas-Rhin pour l'assassinat de Sophie Le Tan, Jean-Marc Reiser offre une personnalité trouble aux allures inquiétantes de "Dr Jekyll et Mr Hyde".

"Je suis quelqu'un d'impulsif, j'ai été violent avec certaines femmes", a-t-il concédé mardi, après le récit glaçant livré par d'anciennes compagnes sur les violences qu'il leur a infligées.

A 61 ans, ce multirécidiviste comparaît depuis lundi pour l'assassinat de Sophie Le Tan, une étudiante strasbourgeoise de 20 ans.

En janvier 2021, après deux ans et demi de dénégations, il avait reconnu l'avoir tuée puis démembrée. Il nie, en revanche, toute intention homicide et préméditation.

A la barre, ses ex décrivent un homme en apparence "charmant", "beau garçon" baraqué dans ses jeunes années, "intelligent", "cultivé".

L'autre face, c'est un Reiser "secret", "dominateur", "violent", "manipulateur", capable de "partir en vrille" pour une futilité, centré sur son propre plaisir sexuel et ne supportant pas que l'on remette en cause son intellect.

- "Profil sombre" -

Devant les enquêteurs, l'une d'elles évoquera ses mystérieuses disparitions nocturnes et les "odeurs d'hôpitaux" qu'il exhale à son retour.

"C'est Dr Jekyll et Mr Hyde : oui, il est intelligent, charmant et cultivé" mais "il ment sur tout", s'est agacé devant les journalistes Me Gérard Welzer, l'un des avocats des proches de Sophie.

"Une personnalité très clivée avec deux profils, l'un lisse (...) un autre plus sombre, plus secret qu'il est le seul à connaître", a relevé jeudi l'expert-psychologue Valérie Dutter-Rabemananjara.

Cette violence "est peut-être due à mon enfance", a avancé M. Reiser, né en 1960 à Ingwiller (Bas-Rhin). Elle est en effet chaotique, marquée par la violence et l'alcoolisme de son père, ancien marin devenu garde-forestier.

Enfant, il arpente avec lui les forêts vosgiennes, qu'il connaît comme sa poche. Fin 2019, c'est justement dans un bois des Vosges du Nord où il a ses habitudes que le squelette incomplet de Sophie sera découvert.

Chez les Reiser, les violences conjugales sont récurrentes. Adolescent, Jean-Marc s'interpose pour protéger sa mère : en 1974, il menace son père avec une hache, avant d'être hospitalisé dans un centre psychothérapique, puis transféré en maison de correction.

D'abord erratique, la trajectoire scolaire de celui qui fut un temps facteur connaîtra un surprenant virage à l'âge adulte puisqu'il réussira le concours de l'Institut régional d'administration (IRA) de Bastia. Il gèrera notamment ensuite les bourses d'étudiants étrangers au Crous de Strasbourg.

Mais pour ce routard confirmé, un temps inscrit sur un forum de voyages sous le pseudonyme "Oiseau de paradis", l'ascension s'arrête net en 1997 : rattrapé par sa face sombre, il est interpellé dans le Doubs avec des armes, des anesthésiques et des photographies de femmes nues, visiblement inconscientes, pénétrées avec des objets.

- "Joueur d'échecs" -

Placé en détention, il restera pendant les treize années suivantes derrière les barreaux : en 2003, il est condamné à 15 ans de réclusion pour les viols d'une Allemande et d'une des femmes photographiées. Une amie de la mère de sa fille, née en 1992, avec laquelle il avait eu une aventure.

En 2001, Reiser est, en revanche, acquitté pour le meurtre d'une jeune commerciale, Françoise Hohmann, volatilisée en 1987. Le dossier a été rouvert en 2020 "contre X".

Plus tard, il se vantera "avec délectation", selon les mots d'une enquêtrice de personnalité, d'avoir joué aux cartes en prison avec les tueurs en série Francis Heaulme et Guy Georges.

Libéré en 2010, Reiser peine à trouver un emploi stable et est condamné à plusieurs reprises, notamment pour deux tentatives de cambriolage de cliniques vétérinaires. Cherchait-il des produits anesthésiants? Lui affirme n'avoir cherché que du cash.

Au total, il a été condamné à huit reprises.

Il finit par reprendre des études et décrocher un Master en archéologie byzantine à Strasbourg, laissant à des étudiantes le souvenir d'un homme "lourd" et "intrusif".

Il sera interrogé vendredi sur le fond du dossier, qu'il connaît manifestement sur le bout des doigts.

Masque chirurgical et lunettes sur le nez, le sexagénaire à la calvitie prononcée compulse ses dossiers dans son box vitré et glisse régulièrement des notes à ses trois avocats.

Il "a au moins deux ou trois coups d'avance, c'est un joueur d'échec", a résumé jeudi l'expert-psychologue Carole Rabololini, qui écarte toutefois toute "impulsivité" chez lui.

Mercredi, M. Reiser a paru touché par la douleur des parents de Sophie, s'essuyant les yeux à deux reprises.

Dévoiler sa "part d'humanité" est un gros enjeux pour la défense : "Il faut qu'on (...) le sorte de cette idée que c'est un monstre", avait souligné lundi Me Pierre Giuriato, un de ses conseils.

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