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JO-2022: au fin fond de la Chine, le ski veut prendre racine

Très loin de Pékin, dans le froid du plateau tibétain, la Chine tente d'inoculer la passion du ski aux habitants d'une région pauvre en vue des jeux Olympiques d'hiver qu'elle organisera en 2022, un pari difficile.

Après seulement quelques virages sur l'unique piste de la station "Oslo", nommée ainsi en l'honneur de la capitale norvégienne, Cheng Wenyuan a déjà chuté deux fois. Son fils de 12 ans en est à sa quatrième culbute.

"On a essayé, mais on est exténués. C'est vraiment dur. On n'y trouve vraiment aucun plaisir", explique cette comptable de 43 ans en retournant au chalet du ski-club local, où résonnent des tubes de Snoop Dogg et d'Adele.

La petite station saupoudrée de neige artificielle est nichée près de Xining, la capitale de la province du Qinghai (nord-ouest), au milieu d'un paysage de serres agricoles où poussent fraises et tomates.

Le pays le plus peuplé du monde espère mettre 10% de ses 1,38 milliard d'habitants sur des skis d'ici aux JO de Pékin en 2022. Si cet objectif était rempli, le nombre de skieurs dans le monde doublerait.

Pour atteindre son but, la Chine espère passionner le grand public pour ce sport, jusque dans ses régions les plus reculées comme le Qinghai.

Avec ses hivers rigoureux et son altitude moyenne de 3.000 mètres, la province possède des conditions naturelles idéales.

"Le problème, c'est que nous avons commencé tard", soulignait en décembre à l'agence Chine nouvelle Cai Rangtai, le directeur provincial du bureau des Sports.

Fin 2017, le Qinghai ne comptait ainsi que sept pistes. Bien loin des 124 de la province du Heilongjiang (nord-est), la Mecque du ski en Chine, selon des statistiques établies par des professionnels du secteur.

Et si la station Oslo, construite en 2014, est la plus grande de la région, elle ne possède qu'une unique et modeste pente de neige de 400 mètres de long.

- Piste bichonnée -

Mais trois autres complexes de ski sont situés à proximité de la capitale Xining. Et peu à peu, ce sport commence à trouver son public.

Cai Bingjian, le gérant "d'Oslo", s'en félicite. Quand sa station a ouvert il y a quatre ans, seule une poignée de gens pratiquaient le ski. Ils sont désormais quelque 500 clients réguliers, s'enthousiasme-t-il.

Les jours d'affluence, 5.000 personnes se pressent sur le tapis roulant permettant de remonter l'étendue de poudreuse, au prix de 180 yuans (23 euros) le forfait-journée.

Bichonnée un mois avant le début de la saison, la piste est rafraichie chaque nuit pendant neuf heures par les canons à neige.

"Les stations de ski sont en outre un bon moteur pour l'économie locale (en termes d'emploi). Surtout en hiver, quand les chantiers de construction s'arrêtent à cause du froid", explique M. Cai, qui emploie 60 saisonniers.

He Liping, une jeune banquière de 29 ans qui skie pour la première fois, en est persuadée: le secteur connaîtra un boom au Qinghai. "L'hiver, on n'a nulle part où s'amuser. Hormis le ski, il n'y a rien d'autre à faire."

Mais seuls les urbains aisés ont pour l'instant les moyens de s'offrir ce loisir onéreux.

Car le Qinghai est l'une des régions les plus rurales et les plus pauvres du pays. En 2017, elle pointait au 27e rang (sur 31) des provinces chinoises en termes de revenu par habitant, avec 19.000 yuans (2.450 euros).

Par ailleurs, cette région constituée de montagnes élevées et de hauts plateaux est faiblement peuplée. Grande comme la France, elle ne compte que 6 millions d'habitants.

"Le Qinghai n'est pas un marché très vaste", relève le gérant d'Oslo, qui s'inquiète de voir se créer une concurrence prématurée entre stations, alors même que le marché du ski est balbutiant.

"Si d'autres construisent aussi des pistes, les clients iront peut-être ailleurs. Et si les bénéfices s'écroulent, on risque de mettre la clé sous la porte", explique-t-il.

- Cours à l'école -

Les stations situées près de Xining, unique grande ville de la province, peuvent attirer la classe moyenne. Mais l'idée d'en implanter dans le reste de la région, isolé et peuplé de nombreux paysans et nomades, fait sourire Cai Bingjian.

"Si l'économie locale est trop faible, ça n'est pas viable. On ne peut pas laisser les gens de régions défavorisées skier gratuitement."

Avec des stations de ski qui ouvrent dans tout le pays, les autorités sportives espèrent également qu'émergeront à terme des athlètes performants à l'international.

La Chine a envoyé 82 sportifs aux récents jeux Olympiques d'hiver de Pyeongchang en Corée du Sud -- contre 66 seulement à Sotchi en 2014. Mais ils n'y ont récolté que neuf médailles.

Une telle déconvenue à domicile en 2022 pour les JO de Pékin est inconcevable.

"Toutes les provinces doivent faire de leur mieux pour répondre à l'objectif (olympique du président chinois) Xi Jinping", affirme M. Cai.

En février, le ministère de l'Education a imposé aux écoles, collèges et lycées du pays d'intégrer dans leurs programmes des éléments "ayant trait à l'olympisme".

Selon le décret officiel, il est désormais "impératif" pour toutes les écoles du nord du pays de mettre en place des cours de sports d'hiver. Dans le sud plus chaud, les établissements sont "activement encouragés à établir des coopérations" avec des pistes de ski en salle.

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