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L'Afrique du Sud en colère après un tweet de Trump sur sa réforme agraire

L'Afrique du Sud a vivement reproché jeudi à Donald Trump d'alimenter les tensions raciales dans le pays après un tweet où il s'inquiète des "expropriations" et "meurtres de grande ampleur" qui visent, selon lui, les fermiers blancs sud-africains.

Le commentaire du président américain a enflammé le débat sur un projet controversé de réforme agraire qui agite l'Afrique du Sud, toujours profondément divisée un quart de siècle après la chute du régime de l'apartheid.

La polémique est partie mercredi soir d'une nouvelle saillie électronique du locataire de la Maison Blanche.

"J'ai demandé au secrétaire d'Etat @SecPompeo d'étudier de près les saisies de terre et de fermes, les expropriations et les meurtres de grande ampleur de fermiers en Afrique du Sud", a écrit Donald Trump sur son compte Twitter.

"Le gouvernement sud-africain saisit actuellement des terres appartenant aux fermiers blancs", a-t-il ajouté, en s'inspirant d'une émission sur l'Afrique du Sud diffusée par la très conservatrice chaîne d'information Fox News.

A la veille des élections générales de 2019, le président sud-africain Cyril Ramaphosa veut accélérer la réforme de la terre afin de "réparer l'injustice historique grave" commise à l'endroit de la majorité noire pendant la période coloniale et l'apartheid.

Sans surprise, les autorités de Pretoria ont promptement réagi au tweet de Donald Trump. "L'Afrique du Sud rejette totalement cette vision étroite qui ne vise qu'à diviser la nation et à nous rappeler notre passé colonial", a écrit le gouvernement sur Twitter, avant de promettre une réforme agraire "prudente et inclusive".

- "Menteur pathologique" -

La ministre des Affaires étrangères Lindiwe Sisulu a déploré les propos "malheureux" de Donald Trump, fondés "sur de fausses informations" et demandé des "clarifications" aux Etats-Unis.

Interrogée par la presse à Washington, la porte-parole de la diplomatie américaine a appelé les autorités sud-africains à "un débat public pacifique et transparent" sur ce sujet épineux.

"Notre position est que l'expropriation de terres sans compensation risquerait d'envoyer l'Afrique du Sud dans la mauvaise direction", a-t-elle toutefois prévenu, refusant de dire les mesures envisagées par l'administration américaine.

Cela suffira-t-il à apaiser la polémique?

"Ne touchez pas aux affaires sud-africaines !", a lancé au président américain le chef des Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale), Julius Malema, le qualifiant de "menteur pathologique".

"Les dirigeants internationaux qui jouent avec la peur n'apportent rien", a renchéri Mmusi Maimane, le chef de l'Alliance démocratique (DA, principal parti d'opposition), en réitérant son opposition au projet gouvernemental.

La réforme de M. Ramaphosa vise à rectifier les déséquilibres fonciers en Afrique du Sud, où la minorité blanche (8% de la population) possède 72% des fermes contre 4% seulement aux Noirs (80% de la population), selon le gouvernement.

Pour y remédier, le président a notamment décidé d'exproprier des grands fermiers sans les dédommager et souhaité pour cela amender la Constitution.

La discussion est en cours mais, contrairement à ce qu'a affirmé M. Trump, le projet n'a pas encore été mis en oeuvre.

Mercredi encore, le chef de l'Etat sud-africain a confirmé devant la Parlement son intention de procéder à des "expropriations sans compensation" mais rejeté toute nationalisation et promis de "renforcer les droits de propriété".

- 74 fermiers tués -

De nombreux Noirs saluent la réforme, mais les Blancs s'en inquiètent ouvertement. Ils redoutent la répétition des expulsions violentes de fermiers blancs ordonnées au début des années 2000 au Zimbabwe voisin par le régime de Robert Mugabe.

La minorité blanche dénonce également les violences dont sont régulièrement victimes les agriculteurs dans les zones rurales du pays, une question très controversée.

Un total de 74 fermiers, selon la police, ont été tués entre 2016 et 2017 en Afrique du Sud, pour la quasi-totalité des Blancs selon l'organisation AfriForum qui défend cette minorité.

Mercredi, Cyril Ramaphosa avait accusé AfriForum de "répandre mensonges et rumeurs" en affirmant "à l'étranger que l'ANC voulaient procéder à des expropriations massives".

A l'inverse, le patron d'AfriForum, dont une délégation a récemment fait une tournée de promotion aux Etats-Unis, s'est réjoui de l'intervention de Donald Trump.

"Nous avons besoin d'un soutien international (...) pour éviter une situation où nos dirigeants engageraient une politique économique catastrophique identique à celles que l'on a vues au Venezuela ou au Zimbabwe", a déclaré Kallie Kriel à l'AFP.

Très sensible, la question de la terre avait déjà suscité en mars une polémique entre l'Afrique du Sud et l'Australie lorsqu'un ministre australien avait proposé d'accueillir des agriculteurs sud-africains blancs à ses yeux "persécutés" dans leur pays.

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