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L'Egypte mise sur la reconstruction de Gaza pour consolider son influence

Après avoir engrangé une victoire diplomatique remarquée dans le conflit entre Israël et le Hamas palestinien en mai, l'Egypte tente de consolider son influence régionale en se positionnant dans la reconstruction de la bande de Gaza, dévastée par la dernière guerre.

Le cessez-le-feu instauré le 21 mai après 11 jours d'une nouvelle guerre entre Israël et le Hamas a été négocié par l'Egypte, qui entretient à la fois des relations avec l'Etat hébreu et le mouvement islamiste palestinien qui dirige la bande de Gaza.

Le Caire a rapidement promis de débloquer 500 millions de dollars pour reconstruire l'enclave palestinienne, où vivent entassées quelque deux millions de personnes sous blocus israélien depuis près de 15 ans.

"Cet engagement va rendre à l'Egypte son rôle régional" historique et lui permettre "d'être entendue dans les rangs palestiniens", estime le professeur de sciences politiques à l'université du Caire, Moustafa Kamel al-Sayed.

En outre, il envoie aux Etats-Unis "le message que l'Egypte est un protagoniste actif au Moyen-Orient", ajoute-t-il à propos d'une victoire diplomatique bienvenue pour le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sissi, plus habitué aux critiques sur la situation des droits humains dans son pays.

Fin mai, quelques jours après le premier coup de fil du président américain Joe Biden à son homologue égyptien, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a rencontré M. Sissi au Caire.

Toujours pour tenter de consolider le cessez-le-feu entre Israéliens et Palestiniens, le patron du Renseignement égyptien, Abbas Kamel, s'était rendu parallèlement en Israël et dans les Territoires palestiniens.

Cette omniprésence égyptienne est venue couronner des efforts diplomatiques de longue haleine menés par Le Caire pour recouvrer son rôle dans la région, après des années de marginalisation diplomatique liée à l'instabilité politique ayant suivi le soulèvement populaire de 2011.

Liée depuis 1979 par un traité de paix avec Israël et médiateur traditionnel entre Palestiniens et Israéliens, l'Egypte a notamment oeuvré au rapprochement des factions palestiniennes, accueillant sur son sol plusieurs rencontres entre les deux principales formations rivales, le Fatah et le Hamas.

Le Caire a "changé d'attitude" vis-à-vis du Hamas ces dernières années, souligne M. Sayed. Et grâce à son projet de reconstruction, Le Caire pourrait devenir un "acteur acceptable" pour le mouvement, juge-t-il.

Autrefois tendues, les relations entre l'Egypte et le Hamas se sont améliorées après l'annonce en 2017 par le mouvement palestinien qu'il prenait ses distances avec la confrérie des Frères musulmans, considérée comme "terroriste" par l'Egypte.

- Bénéfices économiques -

Mais Le Caire pourrait encore être tenté de "marginaliser" le Hamas, en l'excluant du processus de reconstruction, estime pour sa part la spécialiste Sarah Smierciak.

"M. Sissi voit l'aide à la reconstruction comme un investissement pour (davantage d')influence politique" à Gaza comme à l'international, ajoute cette analyste en économie politique.

Un investissement qui sera également bénéfique pour l'économie égyptienne, surtout les entreprises détenues par l'armée, fortement représentées dans le secteur de la construction, un des principaux moteurs de la croissance.

L'Egypte a annoncé l'envoi d'engins de construction et d'équipes techniques à Gaza pour "déblayer les décombres" et préparer la reconstruction.

Elle a également annoncé un "forum sur la reconstruction de Gaza" qui se tient au Caire du 10 au 13 juin, réunissant responsables politiques et entrepreneurs privés de la région, sous l'égide du Premier ministre égyptien, Mostafa Madbouli.

"Les entreprises appartenant à l'armée (égyptienne) joueront certainement un rôle central et bénéficieront des 500 millions engagés" dans la reconstruction de Gaza, souligne Mme Smierciak.

Cet engagement du Caire a été salué mais aussi critiqué par les internautes égyptiens.

"Sérieusement, vu l'état dans lequel se trouve l'Egypte et nos ressources limitées (...) nous (les Egyptiens) devrions être prioritaires", a tweeté un internaute.

Malgré la pandémie de coronavirus, la croissance du PIB égyptien a atteint 3,6% en 2019-2020, selon les chiffres officiels. Mais près d'un tiers (29,7%) de ses 102 millions d'habitants vit sous le seuil de pauvreté.

Sur Facebook, un autre internaute a jugé "remarquable" l'engagement du Caire dans la reconstruction de Gaza, estimant toutefois nécessaire de "garder le contrôle des fonds".

Le projet bénéficiera au secteur égyptien de la construction, selon le président de l'Union nationale des entrepreneurs du bâtiment, Mohamed Sami, selon qui les travaux seront toutefois réalisés par des ouvriers gazaouis.

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