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L'EI risque de "métastaser" en cas d'offensive turque en Syrie

Une invasion turque du nord-est de la Syrie pourrait provoquer une résurgence du groupe Etat islamique (EI), selon des analystes et les forces kurdes, malgré l'engagement pris par Ankara d'empêcher une reconstitution du groupe jihadiste.

Le ministère turc de la Défense a annoncé mardi avoir achevé les préparatifs en vue de lancer une opération militaire contre les forces kurdes dans le nord de la Syrie.

Une opération militaire réduirait à néant "des années de combats" contre l'EI, ont mis en garde les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les combattants kurdes qui contrôlent une grande partie du nord-est de la Syrie.

Le redouté groupe jihadiste a été vaincu en Syrie en mars dernier grâce à une offensive menée dans l'est du pays par ces forces kurdes soutenues par une coalition internationale dirigée par Washington qui avait enregistré auparavant plusieurs victoires face à l'EI dans le nord.

- "Cellules dormantes" -

Mais si le "califat" autoproclamé a été éradiqué, l'EI a muté depuis en organisation clandestine et dispose de cellules dormantes qui continuent de mener des attaques meurtrières.

"L'EI constitue toujours une menace qui pourrait métastaser si les FDS voient leur attention et leurs ressources détournées (...) au profit d'une bataille défensive contre la Turquie", explique à l'AFP Sam Heller, du groupe de réflexion International Crisis Group.

"La bataille contre l'EI n'est pas terminée", affirme de son côté Abdel Karim Omar, haut responsable des Affaires étrangères de l'administration kurde.

"Il y a des centaines de cellules dormantes dans les zones récemment libérées", prévient-il.

Une offensive turque menacerait aussi les prisons et camps gérés par les Kurdes qui abritent de nombreux jihadistes et leurs familles, ont mis en garde lundi les FDS qui disent craindre en perdre le contrôle.

A lui seul, le camp d'Al-Hol, dans le nord-est syrien, abrite plus de 70.000 déplacés, dont 3.000 familles de jihadistes selon l'administration kurde.

"Ces criminels pourraient s'échapper", a affirmé lundi M. Omar, selon lequel les centres de détention se résument à de simples bâtiments peu fortifiés.

Ces craintes sont d'autant plus vives que le camp d'Al-Hol, souvent qualifié de "bombe à retardement", connaît une recrudescence d'incidents.

Les milliers d'étrangères, dont des Occidentales, détenues à Al-Hol sont "aussi dangereuses que les milliers de combattants de l'EI" emprisonnés dans d'autres centres de détention, indique l'administration kurde dans un communiqué, évoquant des agressions quotidiennes au couteau, des meurtres et des tentatives d'évasion.

En septembre, le chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, a appelé ses partisans à "sauver" les jihadistes et leurs familles vivant dans ces centres et camps dans un enregistrement audio.

Selon l'Institute for the Study of War (ISW), l'EI soudoie les gardiens des centres de détention et collecte des fonds pour faire sortir clandestinement les femmes des camps.

- "Vulnérabilité" des camps -

"L'EI prépare probablement des opérations plus coordonnées et sophistiquées pour libérer ses membres détenus", a indiqué l'ISW dans un rapport, citant des cas d'évasion avérés.

La Turquie a toutefois assuré lundi qu'elle "ne laissera pas l'EI revenir, que ce soit sous une forme ou une autre".

Mais les analystes estiment qu'Ankara pourrait involontairement favoriser l'émergence d'une nouvelle dynamique jihadiste.

"La Turquie ne ciblera pas intentionnellement les camps et les prisons, mais elle pourrait les viser accidentellement", explique à l'AFP l'analyste Samuel Ramani.

Sam Heller évoque aussi une possible "vulnérabilité" des camps en cas de redéploiement des forces kurdes.

"Si les cadres de l'EI s'échappent à la faveur du chaos engendré, ils pourraient catalyser les opérations de l'EI localement. Ou, s'ils fuient le champ de bataille syrien, ils pourraient renforcer des groupes (jihadistes) au niveau international".

Les Etats-Unis, qui ont averti du risque de voir l'EI renaître de ses cendres, ont créé la surprise dimanche en annonçant le retrait des forces américaines stationnées en Syrie près de la frontière turque, semblant laisser le champ libre à une offensive d'Ankara.

Le président américain Donald Trump a cependant fait marche arrière lundi menaçant la Turquie de représailles si elle dépassait "les bornes". Et des responsables de son administration ont fait état d'un "tout petit nombre" de soldats redéployés.

Si l'offensive venait à se concrétiser, le président américain Donald Trump offrirait "à l'EI le cadeau d'une renaissance", estime Charles Lister, analyste au Middle East Institute.

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