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L'Espagne dépassée par l'afflux de migrants mineurs non accompagnés

L'Espagne a été dépassée par l'afflux ces dernières années de migrants mineurs non accompagnés, en particulier marocains, dont certains se retrouvent dans la rue ou tombent dans la délinquance.

A Barcelone, des dizaines d'entre eux, arrivés sur des embarcations de fortune ou dans des camions, dorment sur les bancs ou dans des campements de fortune.

"Ils sont mal en point, beaucoup sniffent de la colle. Dans la rue, ils sont très vulnérables, les gangs en profitent et les recrutent", explique à l'AFP le père Peio Sánchez de l'église Santa Anna où dorment régulièrement de jeunes migrants.

Sur une petite place près des célèbres Ramblas, deux adolescents marocains partagent une cigarette et jouent sur leurs téléphones.

L'un dort dans un centre d'accueil. Le deuxième, Sofiane, qui ne veut pas donner son nom de famille, dans la rue. Son physique encore enfantin contraste avec son visage dur, cicatrice sur la joue.

Orphelin à dix ans, il est venu en Espagne caché dans un camion. Enchaînant les centres d'hébergement loin de Barcelone, il finissait toujours par revenir dans la ville. "Mes amis sont ici, ma vie est ici, je ne vais pas aller dans un village", dit-il.

"Il y a quelques semaines, nous sommes parvenus à le convaincre d'aller dans un centre mais le jour suivant, il est revenu ici. C'est un profil compliqué, habitué à la vie dans la rue", regrette Adrià Padrosa, éducateur au sein de l'église.

- "Ils te jettent et au revoir" -

Pris en charge tant bien que mal à leur arrivée, ces jeunes migrants se retrouvent sans filet à leur majorité.

Si l'Espagne leur donne un permis de séjour, ils n'obtiennent un permis de travail qu'après cinq ans de résidence ou grâce à un contrat de travail annuel à temps complet, un sésame très rare dans un pays où le chômage des jeunes est de 32%.

"Tu fêtes tes 18 ans et dehors. On te donne un sac, on te jette et au revoir. Du jour au lendemain, tu te retrouves à la rue", dénonce Najib Benyaala, Marocain de 21 ans aux cheveux teints en blond.

Athlétique et souriant, le jeune homme boxe dans une salle de Barcelone pour personnes en difficulté. Une bouffée d'air après des années de rue, de squats ou de centres pour sans-abri.

"La rue, ça fait mal, il peut t'arriver un tas de choses. S'ils nous donnaient un permis de travail, nous n'y serions pas autant", souffle-t-il.

En Catalogne, seuls 1% des mineurs non accompagnés disposent d'un permis de travail à 18 ans, reconnaît Georgina Oliva, responsable de la jeunesse au sein du gouvernement régional. "Et sans cela, c'est très difficile" de s'en sortir.

- Délinquance -

Riche région du nord-est du pays, la Catalogne, qui compte une importante communauté marocaine, accueille 4.200 mineurs migrants non accompagnés. Près du tiers des 14.000 se trouvant dans le pays, un chiffre trois fois plus important qu'en 2016.

Les arrivées de mineurs, en repli cette année, se sont multipliées par dix dans la région entre 2015 et 2018 (de 350 à 3.700), obligeant ces jeunes à dormir parfois par terre dans les commissariats, faute de structures suffisantes.

La région a depuis ouvert 3.000 places d'accueil supplémentaires.

"Cela fait des années que nous tirons la sonnette d'alarme mais rien n'a été fait jusqu'à ce que cela explose", critique Axel Roura, de l'ONG d'aide aux jeunes sans-abri Casal dels Infants.

Une fois dans la rue, certains de ces jeunes tombent dans la délinquance, s'ttaquant notamment aux nombreux touristes, parfois avec violence.

Résultat, l'ensemble des jeunes migrants sont stigmatisés, des centres d'accueil ont été attaqués et l'extrême droite ne cesse de réclamer leur expulsion.

"L'immense majorité d'entre eux veut se former, travailler et envoyer de l'argent" dans leur pays, défend Georgina Oliva, selon laquelle plus de 80% de ces jeunes n'a jamais commis un délit.

"J'en ai ras le bol des +rentre dans ton pays+", peste Najib, qui vit de travail au noir et d'aides d'une association. "Ils disent que les Marocains sont mauvais mais ce n'est pas qu'ils sont mauvais. C'est juste qu'ils n'ont pas de quoi manger et travailler".

"Moi aussi, j'aimerais être comme tout le monde, travailler, avoir un logement, une famille. Mais c'est compliqué".

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