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L'implantation d'Eglises, le pari évangélique pour essaimer

Dans un hôtel parisien, Harry Noël anime une célébration devant des habitants de son quartier : ce trentenaire est un implanteur d'Eglise, vocation mise en valeur par le christianisme évangélique pour "annoncer" au plus grand nombre "la Bonne Nouvelle" du Christ.

"Bienvenue à l'Eglise de la Plaine !" : un dimanche après-midi, l'ancien juriste devenu pasteur, âgé de 38 ans et d'origine haïtienne, accueille chaleureusement une quinzaine de personnes venues là par foi ou amitié.

Au programme : lectures, prières, chants de louange, avant la prédication et le "partage de la Cène" en mémoire du dernier repas de Jésus.

La petite salle anonyme au sous-sol d'un hôtel près de la place de la Nation ne paie pas de mine, mais Harry Noël, qui la loue depuis un an grâce à de "généreux donateurs", s'en accommode.

"L'Eglise avec un grand E, ce sont tous les chrétiens de tous les temps qui se réunissent. Ce n'est pas le bâtiment !", rappelle-t-il. "On apprécie d'avoir pu trouver ce lieu, moyen de tisser des liens dans ce quartier".

Le mouvement évangélique, parfois taxé de prosélytisme, fait-il peur ? "On est dans un endroit où on ne veut pas forcément de nous, où le prix du mètre carré est très élevé. Mais on a ce désir d'annoncer l'Evangile, donc on y va", répond, serein, le pasteur-implanteur.

Affiliée à l'Association baptiste, sa communauté fait désormais partie des plus de 2.500 Eglises évangéliques de France - pour 650.000 pratiquants réguliers - proposant un culte le week-end.

Signe du dynamisme de ce courant issu de la Réforme et des réveils protestants, une nouvelle Eglise évangélique naît en moyenne tous les dix jours en métropole. Il y en a une pour 29.000 habitants aujourd'hui, un nombre encore insuffisant pour le Conseil national des évangéliques de France (Cnef) qui, pour hâter le mouvement, a lancé un programme "1 pour 10.000".

- Logique de proximité -

Les "megachurches" à l'anglo-saxonne, aux milliers de fidèles, rares en France mais attirant la lumière médiatique, sont loin d'être le modèle recherché.

"Notre idée est d'avoir des Eglises accessibles, donc de les multiplier plutôt que de faire grandir celles qui existent, même si nous n'opposons pas les deux démarches", explique Daniel Liechti, président de la commission d'implantation d'Eglises nouvelles au Cnef.

L'institution prodigue conseils et formations à ces apôtres des temps modernes. "Un bon projet prend entre sept et douze ans pour arriver à un premier seuil de solidité", prévient le pasteur Liechti.

Chaque Eglise a sa sensibilité. Celle de la Plaine se veut "à la couleur" de ce quartier multiculturel du XXe arrondissement, avec des fidèles d'origine française, anglo-saxonne, africaine, caribéenne, asiatique...

Matthieu Koumarianos, lui, creuse un sillon musical avec "My Gospel Church", sur une péniche amarrée à un quai de Seine où résonnent des choeurs afro-américains. Ce fringant "quadra" affirme y recevoir 30 à 70 % de non-croyants. "Les nouvelles Eglises accueillent davantage de gens de l'extérieur car elles sont moins sur des codes sociaux établis", relève-t-il.

Le culte hebdomadaire ne suffit pas aux plus engagés, qui ont la ferveur du converti, du baptisé "born again" (né de nouveau). "On est chrétien du lundi au dimanche", fait valoir Harry Noël. Dans sa communauté, chaque semaine, un temps d'étude biblique a lieu en petit comité au domicile des uns ou des autres : "C'est ça aussi l'Eglise".

Au menu d'une de ces soirées, dans le salon chaleureux d'un couple de jeunes Américains, le partage d'un extrait des Actes des apôtres... agrémenté, pour la convivialité, d'amuse-bouches et d'une soupe thaï.

"Dans une maison, les gens sont plus à l'aise pour poser des questions, parler de leur vie", témoigne Riley Brookings, 31 ans, pasteur lui aussi après avoir été pilote de ligne.

D'autres rendez-vous sont encore plus informels. Harry Noël lit régulièrement la Bible avec un ami plus jeune autour d'un verre. Quitte à le voir demain abandonner son Eglise pour en implanter une autre.

"S'il me dit un jour +je veux partir+, je serai prêt à payer pour qu'il le fasse", assure-t-il. Rayonnant à la pensée de voir "un maximum de personnes" entrer et "grandir dans la vérité de l'Evangile".

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