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L'oléoduc Keystone, première pomme de discorde entre Trudeau et Biden

Après quatre années compliquées avec Donald Trump, Justin Trudeau a hâte de repartir sur de nouvelles bases avec Joe Biden. Mais la volonté prêtée au nouveau président américain de bloquer la construction d'un oléoduc entre les deux pays dès son arrivée à la Maison Blanche mercredi, pourrait lui compliquer la tâche.

"Ce n'est pas la meilleure façon de commencer une relation", note l'analyste Tim Powers.

Le Premier ministre canadien s'était félicité d'être le premier dirigeant à parler au téléphone avec M. Biden peu après son élection en novembre 2020. Une partie de l'opposition le pousse déjà à profiter de cette relation pour faire pression sur la nouvelle administration, alors qu'Ottawa a réaffirmé lundi son soutien au projet.

Attaché à ce dossier depuis "des années", Justin Trudeau va "continuer de le défendre", en s'entretenant avec Joe Biden "dans les prochains jours", a-t-il assuré mardi.

"Dans la mesure où le gouvernement canadien a dit qu'il soutiendrait fortement le pipeline Keystone XL, avoir une administration américaine qui laisse entendre qu'il va être abandonné n'aide pas", dit M. Powers à l'AFP.

Selon plusieurs médias canadiens, Joe Biden prévoit de bloquer ce projet controversé d'oléoduc lancé en 2008 - déjà annulé par Barack Obama pour des raisons environnementales, remis sur les rails par Donald Trump pour des raisons économiques - dès le jour de sa prise de fonction mercredi.

Le projet du groupe canadien TC Energy doit permettre d'acheminer dès 2023 plus de 800.000 barils de pétrole par jour entre la province canadienne d'Alberta et les raffineries américaines du Golfe du Mexique.

Mais il est critiqué par les écologistes en raison de son impact sur les émissions de gaz à effet de serre. Dimanche, TC Energy a promis de n'utiliser que de l'énergie renouvelable pour opérer cet oléoduc, dans l'espoir de faire changer d'avis la nouvelle administration américaine.

Le coût du nouveau tracé, qui doit relier le Canada au Nebraska -- et de là se connecter au pipeline déjà construit est estimé à 9,1 milliards de dollars américains (7,5 milliards d'euros) par son constructeur, dans ses plus récents résultats.

La décision prêtée à M. Biden de l'annuler "met des bâtons dans les roues de la relation Canada/Etats-Unis", abonde Ryan Katz-Rosene, professeur de politique à l'université d'Ottawa.

Mais elle pourrait également "rendre les choses un peu plus difficiles pour M. Trudeau au niveau national", souligne-t-il.

Alors que se profilent des élections anticipées en 2021 pour le gouvernement minoritaire du Premier ministre libéral, M. Trudeau se trouve tiraillé entre ses engagements en faveur de l'environnement et la pression de l'opposition pour qu'il défende un secteur pétrolier en crise, notamment depuis la pandémie de coronavirus.

- Opposition des écologistes -

"Côté canadien, on parle de 100 milliards de dollars (65 milliards d'euros) d'exportations chaque année", a fait valoir lundi Jason Kenney, le Premier ministre de l'Alberta qui concentre l'essentiel des réserves de pétrole du pays, principal produit d'exportation du Canada.

Le pays possède les troisièmes réserves prouvées du monde, principalement contenues dans des sables bitumineux de l'ouest dont l'exploitation est critiquée pour son impact environnemental. C'est notamment ce qui explique l'opposition de l'équipe Biden à ce projet.

Justin Trudeau s'est engagé à mener à terme Keystone XL ainsi que d'autres oléoducs afin d'acheminer le pétrole canadien vers d'autres marchés et d'en obtenir un meilleur prix.

Si le projet est abandonné, les provinces riches en pétrole de l'Alberta et de la Saskatchewan (centre), déjà touchées par la chute des cours du pétrole, vont en payer le prix fort et cela aura des "répercussions économiques plus larges" pour le Canada, explique M. Powers.

Le chef du parti conservateur (opposition) Erin O'Toole a estimé qu'une telle décision allait "dévaster des milliers de familles canadiennes déjà durement touchées par la crise économique" et appelé M. Trudeau à "communiquer immédiatement avec la nouvelle administration américaine pour empêcher que cela ne se produise".

La nouvelle a néanmoins été bien accueillie par le Nouveau Parti Démocrate (NPD, gauche), le Bloc québécois (indépendantiste) et par les Verts, dont la cheffe Annamie Paul y voit "la chance d'une vie" pour mener des actions communes avec M. Biden, qui a dit "très clairement que le climat serait au sommet de son agenda".

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