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L'UNRWA rattrapée par les calculs politiques américains, dit son chef

Le chef de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, Pierre Krahenbuhl, a affirmé vendredi à l'AFP que le gel de l'aide américaine à son organisation résultait de calculs politiques américains et non du fonctionnement de l'UNRWA, comme l'affirme l'administration Trump.

Sortant de la réserve généralement inhérente à un tel poste, M. Krahenbuhl a ouvertement lié ce gel à la grave détérioration des relations entre l'administration américaine et la direction palestinienne.

Etablie en 1949, l'UNRWA apporte son aide à une grande partie des plus de cinq millions de Palestiniens enregistrés comme réfugiés dans les Territoires palestiniens, en Jordanie, au Liban ou en Syrie, survivants ou descendants des centaines de milliers de Palestiniens jetés sur les routes lors de la première guerre israélo-arabe en 1948 qui a suivi la création de l'Etat d'Israël.

Plus de 500.000 enfants étudient dans les écoles de l'UNRWA qui fournit aussi des soins et des financements.

Quand il avait rencontré en novembre les responsables américains à Washington, "le message très fort de soutien et de respect pour le travail de l'UNRWA était très clair", a dit M. Krahenbuhl dans un entretien accordé à Jérusalem.

Les questions de neutralité de l'agence, de son fonctionnement et des réformes nécessaires ont toujours fait partie des discussions, avec les Etats-Unis comme avec les autres donateurs, sans que l'aide soit remise en cause, a-t-il ajouté.

- 'Pas lié à notre performance' -

"Je suis donc obligé de voir (le gel de l'aide américaine) comme n'étant pas lié à notre performance, mais comme une décision prise dans la discussion ayant eu lieu après la résolution de l'Assemblée générale de l'ONU sur Jérusalem et sur d'autres sujets", a poursuivi le responsable de l'ONU.

M. Trump a reconnu le 6 décembre Jérusalem comme la capitale d'Israël, une rupture unilatérale avec des décennies de diplomatie américaine et internationale qui a provoqué la fureur de la direction palestinienne.

L'Autorité palestinienne a ensuite affirmé que les Etats-Unis s'étaient disqualifiés dans le rôle de médiateurs de l'entreprise de paix, déjà moribonde, et a gelé les contacts avec les officiels américains.

La décision a aussi suscité une vaste réprobation internationale qui s'est exprimée le 21 décembre par une résolution -non contraignante- de l'Assemblée générale de l'ONU condamnant l'initiative américaine par 128 voix sur les 193 Etats membres.

Dans ce contexte de fortes tensions américano-palestiniennes, le département d'Etat a annoncé mardi retenir jusqu'à nouvel ordre le versement de 65 millions de dollars à l'UNRWA, sur les 125 M d'une première tranche de contribution volontaire américaine prévue en 2018. Jeudi, il a annoncé le gel de 45 M USD supplémentaires en aide alimentaire.

Malgré un tweet courroucé de M. Trump se demandant le 2 janvier si les Etats-Unis devaient poursuivre leurs "paiements massifs" aux Palestiniens sans aucune "reconnaissance ou respect" de leur part, le département d'Etat a assuré qu'il ne s'agissait pas de "punir qui que ce soit".

Il a expliqué que l'administration Trump réclamait une révision "en profondeur" du fonctionnement de l'UNRWA, dont elle a été de loin le principal bailleur de fonds en 2017 (350 M USD). Washington demande aussi que d'autres pays fassent plus.

- 'Pris au milieu' -

Mais M. Krahenbuhl a souligné qu'il n'avait reçu de Washington aucune indication quant aux réformes à mener.

"Ce qui est nouveau, c'est qu'on a affaire à une décision de la part des Etats-Unis de réduire drastiquement leur contribution et cela n'a été associé à aucun élément de réforme dans les communications qu'ils ont eues avec moi", a-t-il dit.

"Ma perception, c'est qu'un débat est en cours au sein de l'administration américaine sur les fonds versés aux Palestiniens, et notre financement se retrouve pris au milieu", selon lui.

Pour les Palestiniens, la suspension de l'aide à l'UNRWA est une nouvelle concession au gouvernement israélien.

Ce dernier accuse l'UNRWA de liens avec le mouvement palestinien Hamas au pouvoir à Gaza, et considéré comme une "organisation terroriste" par Israël. Il accuse aussi l'agence de l'ONU d'entretenir en son sein la revendication des Palestiniens au retour sur les terres dont ils ont été chassés, ainsi que les incitations à la haine anti-israélienne.

M. Krahenbuhl a reconnu des manquements passés et assuré qu'il traquait toutes les atteintes à la neutralité de l'agence. "Je ne permettrai à personne de se servir d'une organisation humanitaire à des fins politiques".

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