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La Chica, la fille du pont des arts

"Le hip-hop, c'est un état d'esprit", avance La Chica: chez la Franco-Vénézuélienne, pas de cloisonnement, mais des passerelles entre Debussy, rap, chants des morts, street-art ou Frida Kahlo dans ses chansons et clips.

Vibrations promises sur scène au MaMA, festival défricheur à Paris, vendredi soir. Déjà vue en live au Reeperbahn à Hambourg fin septembre, accompagnée de son complice Raphaël à la rythmique, La Chica distille ses textes-mantras en anglais et espagnol, occupant la scène comme un ring, en tenue de boxeuse.

Charisme et maîtrise de l'espace. "C'est l'héritage latino-américain, c'est plus évident de s'exprimer librement physiquement là-bas", relate à l'AFP la jeune femme née à Paris d'une mère vénézuélienne et d'un père français.

Un des moments forts, c'est "Drink", trip-hop chamanique. "C'est de l'ordre de la transe, inspiré des rituels au Venezuela pour communiquer avec l'au-delà, les morts, des personnes avec qui on a des choses à régler". "Ce n'est pas lugubre, c'est un contexte de fête et de célébration, c'est pour avancer".

- "Dark mais poétique" -

Autre titre-phare, "The Sea", une "histoire un peu +dark+ mais poétique", née d'une double inspiration. "Mon parrain, fou amoureux d'une fille, mais c'était impossible, m'avait dit +je ne vois qu'une solution, qu'on meure tous les deux+. Ça m'avait beaucoup marquée, quand on atteint ce stade de folie passionnée, à espérer un autre monde où cet amour serait possible".

Elle y superpose le destin tragique de la poétesse argentine Alfonsina Storni, atteinte d'une tumeur et qui avait décidé de se noyer, après avoir laissé un dernier poème ("Je vais aller dormir") et une lettre d'adieu ("Je me jette dans la mer"). "C'est aussi violent que doux, triste et extrêmement beau", dépeint La Chica.

Sophie, pour l'état civil, baigne dans un bouillon de cultures, où se mêlent pour ses visuels et vidéos, "Frida Kahlo, le dadaïsme, Basquiat, Keith Haring, le surréalisme magique d'Alejandro Jodorowsky".

Musicalement, elle a tout absorbé. Chez ses parents "mélomanes", à Belleville, il y avait beaucoup de disques - "j'ai des souvenirs toute petite de retourner les vinyles sur la platine". "Par mon père, c'est l'héritage punk, très rock, reggae, toutes les musiques qui dérangeaient, par ma mère c'est plus classique, mais aussi caribéen, engagé, révolutionnaire".

- "Entre France et Mexique" -

Elle fait du violon, puis "du piano classique, au petit conservatoire des Lilas". "Fauré, Debussy, Stravinsky, m'ont impactée". Tout comme l'influencera le jazz de "Duke Ellington à Coltrane".

Puis vient le hip-hop, "j'ai fait mes armes là dedans". "Les samples me parlaient, je suis très adepte de la loop (boucle), je suis très cérébrale, j'ai tendance à me répéter les choses, ça me rend dingue (rires)".

Fan "d'art brut", "un arbre, une bouche d'aération peut m'inspirer", c'est aussi une adepte du "Do it yourself", soit "faire les choses à l'arrache avec ce qu'on a". "Mes parents étaient très modestes, on n'a jamais manqué de rien, mais on n'était jamais dans la profusion, ma mère était la reine du système D".

Aujourd'hui, elle partage son temps entre France et le Mexique, où vit son frère. Le clip du percutant "Ratas" y a été tourné, dans la bourgade de Cholula. Avec l'aide d'un street-artiste, repéré sur Instagram, "qui gère ce qui se passe sur les murs de cette ville, en accord avec le maire, va savoir comment (rires)". "C'est un peu punk, ça reprend les codes des traditions mexicaines, avec des masques de perles qu'on voit dans le clip".

"Cet équilibre entre France et Mexique me va bien, j'aurai toujours besoin des deux". Elle a longtemps été tentée par une installation au Venezuela, mais ce projet a été différé et maintenant le pays est plongé dans le chaos. "Je vais continuer à semer là-bas, au Mexique, ce n'est pas la même récolte qu'ici, en France". Les fruits de son travail, avec l'album "Cambio", sont déjà pleins de saveurs.

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