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La diplomatie du sport en Corée montre ses limites

Les hockeyeuses des deux Corées sous le même maillot blanc dans l'arène olympique, à l'occasion des Jeux d'hiver 2018: l'image de ce rapprochement rapide sur la péninsule divisée avait ébloui. Mais un an après, il en faut plus.

Aux yeux des analystes, la diplomatie du sport est vouée à l'échec sans progrès tangibles dans le dossier sensible de l'arsenal nucléaire nord-coréen.

La Corée du Nord est soumise à de multiples sanctions internationales du fait de ses programmes nucléaire et balistique interdits. Et le sport est l'un des rares domaines où une vraie coopération bilatérale est possible.

Les JO de Pyeongchang, en Corée du Sud, avaient été qualifiés de jeux de "la paix". Dans les 12 mois qui ont suivi, plusieurs équipes unifiées ont marché dans les pas des hockeyeuses, qu'il s'agisse de judo ou de basketball.

Les résultats ont été mitigés.

Si les rameuses du dragonboat ont remporté l'or aux 500 mètres aux Jeux asiatiques l'année dernière, l'équipe masculine de handball a perdu tous ses matches sauf un aux championnats du monde en janvier. L'équipe féminine de tennis de table a quant à elle atteint les demi-finales des championnats du monde.

Surtout, l'attrait de la nouveauté s'est estompé, chaque équipe unifiée faisant un peu moins de bruit que la précédente.

- Carré VIP -

Sur le terrain de la dénucléarisation du Nord, les progrès sont encore plus limités.

"Le truc avec les coups c'est qu'ils génèrent beaucoup de publicité au début mais leur originalité disparaît rapidement", commente Go Myong-hyun, de l'Institut Asan des études politiques. "La diplomatie du sport ne sera pas durable si elle ne s'élargit pas à d'autres échanges".

Les hockeyeuses coréennes, la première équipe unifiée des deux Corées à jamais participer à des JO, avaient fait sensation, en dépit de cinq défaites en cinq matches.

Du début à la fin, les 23 Sud-Coréennes et 12 Nord-Coréennes avaient fait les gros titres dans cette péninsule déchirée par une guerre (1950-53) qui consacra la division entre Nord et Sud soutenus par les adversaires de la Guerre froide.

Les deux pays sont toujours techniquement en guerre car le conflit s'est achevé sur un armistice plutôt qu'un traité de paix. Et 2017 avait vu les tensions atteindre des sommets: le Nord avait mené son essai nucléaire le plus puissant, et lancé des missiles balistiques capables d'atteindre le territoire continental des Etats-Unis. Kim Jong Un et Donald Trump échangeaient insultes personnelles et menaces apocalyptiques.

Mais le nouveau président sud-coréen Moon Jae-in, partisan du dialogue avec le Nord, avait proposé le report des exercices militaires conjoints avec Washington décriés par Pyongyang, qui avait tendu la branche d'olivier et proposé de participer aux JO.

A la cérémonie d'ouverture, M. Moon était assis dans le carré des VIP avec le vice-président Mike Pence et la soeur du dirigeant nord-coréen Kim Yo Jong.

- "Ouvrir la porte" -

La participation de Pyongyang aux JO avait nettement détendu l'ambiance, et permis "d'ouvrir la porte" aux négociations, dit à l'AFP Troy Stangarone, chercheur à l'Institut économique de Corée.

Depuis, le dirigeant nord-coréen a rencontré trois fois le président sud-coréen et tenu un sommet historique avec le président américain en juin à Singapour. Une seconde rencontre entre MM. Trump et Kim est prévue les 27 et 28 février au Vietnam.

Si Pyongyang et Séoul ont annoncé leur projet de faire candidature commune pour accueillir les JO d'été de 2032, les négociations diplomatiques semblent patiner. Pyongyang exige le relâchement des sanctions à son encontre, tandis que Washington martèle qu'elles doivent rester en place tant qu'il n'aura pas renoncé à son arsenal nucléaire.

"En l'absence d'allègement des sanctions qui permettrait une coopération économique intercoréenne, il faut s'attendre à ce que le Nord se désintéresse de la diplomatie du sport", poursuit M. Stangarone. Parallèlement, les échanges sportifs, devenus banals, "perdent de leurs résonance".

La constitution d'une équipe unifiée de hockey sur glace ne s'était pas faite sans heurts en Corée du Sud, des opposants reprochant au gouvernement d'avoir privé des athlètes sud-coréennes de la possibilité de briller sur la glace.

Pour Koo Kab-woo, professeur à l'Université des études nord-coréennes de Séoul, cette polémique a illustré les divergences entres les jeunes Sud-Coréens qui privilégient "l'impartialité et la justice" et des décideurs politiques se focalisant sur "la réconciliation et la coopération sur la péninsule coréenne".

Et M. Go d'ajouter: "le message selon lequel le Nord et le Sud ne font qu'un est enraciné dans les deux Corées mais il se délite".

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