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La gestion délicate de ces prêtres âgés dont l'Eglise ne peut se passer

Un bébé giflé par un presque nonagénaire lors d'un baptême immortalisé par une vidéo virale: l'affaire a mis en lumière la place dans l'Eglise catholique de ces prêtres âgés qui, par choix autant que par nécessité, rendent des services aux paroisses.

Le 22 juin, l'évêque de Meaux (Seine-et-Marne) a suspendu de "de toutes célébrations de baptême et de mariage" un prêtre de 89 ans dont la gifle à un jeune enfant avait suscité une vive indignation sur les réseaux sociaux.

"Cette perte de sang-froid peut s'expliquer par la fatigue de ce prêtre âgé, mais cela ne l'excuse pas", a estimé le diocèse, précisant que l'intéressé, "conscient de ce geste déplacé, avait présenté ses excuses auprès de la famille à la fin du baptême".

L'affaire, rare, a été diversement commentée dans les rangs catholiques, où le malaise est palpable.

"Les vrais coupables, ce sont ceux qui exigent qu'un homme de cet âge continue de faire des célébrations", a tweeté le père Bertrand Cardinne, prêtre du diocèse de Grenoble, invoquant un "droit au repos".

"L'égarement de l'un d'entre eux ne diminue pas notre respect et notre reconnaissance pour nos aînés", a réagi sur le même réseau l'évêque de Gap, Mgr Xavier Malle. "Hommage à tous ces prêtres âgés qui servent jusqu'au bout, sachant que la relève ne viendra pas...", a abondé l'abbé et blogueur Pierre-Hervé Grosjean.

"Nous laissons des prêtres bien trop âgés en fonction", a écrit Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef au journal La Croix. "Tout cela parce que nous avons peur de dire le vrai problème: le manque de prêtres, dans une Église où tout ou presque repose encore sur eux".

Sur les 11.600 prêtres diocésains - pour 12.000 paroisses -, que la Conférence des évêques de France comptait en 2016, soit presque deux fois moins que vingt ans plus tôt, on estime que la moitié ont plus de 75 ans. Et ce ne sont pas les 125 jeunes hommes ordonnés en 2018, dont seulement 67 nouveaux "diocésains" en cette fin juin, qui vont changer la donne démographique et renverser la pyramide des âges.

- "Être à l'écoute" -

S'ils n'ont plus de charge de curé - à la tête d'une paroisse - après la limite d'âge canonique (75 ans), beaucoup de prêtres continuent bien au-delà d'apporter leur concours à l'animation des communautés, d'administrer des sacrements, de dire la messe...

Des évêques leur confèrent un titre de "prêtre associé" ou "prêtre auxiliaire", comme l'était le père Jacques Hamel, qui assurait les permanences de juillet à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) quand il a été assassiné, en pleine messe de semaine, par deux jihadistes à l'été 2016. Il avait 85 ans.

"Prêtre ce n'est pas un métier, c'est faire don de sa vie. Beaucoup réclament de servir jusqu'au bout, et quand on leur enlève leur ministère, c'est un dépouillement difficile", confie à l'AFP l'abbé Grosjean, 40 ans. "Pour nous jeunes prêtres", ajoute-t-il, "ces anciens sont précieux parce qu'une sorte de transmission se fait".

Dans son diocèse des Hautes-Alpes, Mgr Malle veille sur 45 prêtres, dont une vingtaine ont plus de 75 ans. "Ils rendent de grands services, et en même temps célébrer la messe c'est toute leur vie", résume l'évêque auprès de l'AFP. "Je crois que le grand mot, c'est l'accompagnement. Il faut accompagner nos prêtres anciens", ajoute-t-il, en saluant des "témoignages remarquables de dévouement à l'heure où beaucoup de personnes de leur âge lisent le journal".

Et l'évêque de Gap de citer l'exemple d'un prêtre qui se perdait dans la lecture du missel (livre de messe), ou de cet autre qui ne célébrait plus ni mariages ni baptêmes mais continuait d'officier lors de funérailles. "A un moment donné, il donnait des signaux d'Alzheimer, on a arrêté".

"Il s'agit d'être à l'écoute de ces signaux qui nous sont donnés soit par leurs frères prêtres, soit par des laïcs", relève Mgr Malle. Des "discernements pas facile à poser", exigeant de la délicatesse, mais indispensables pour éviter "le baptême de trop".

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