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RSF s'inquiète pour la liberté de la presse dans les démocraties

"Une inquiétude très forte" pour la liberté de la presse dans les démocraties européennes: Reporters sans frontières s'est alarmé mercredi du climat de haine à l'encontre des journalistes qui gagne l'Europe mais aussi les Etats-Unis, dans son rapport 2018.

La carte du monde dressée par RSF à partir de son classement mondial de la liberté de la presse s'est encore assombrie: 21 pays sont désormais placés en situation "très grave", un niveau record, l'Irak ayant rejoint cette année cette catégorie où figurent des régimes autoritaires comme l’Égypte (161e), la Chine (176e) ou la Corée du Nord, toujours en 180e et dernière position.

Cependant, les discours de haine et les attaques contre la presse ne sont plus l'apanage des Etats autoritaires, confirme ce rapport publié mercredi.

Si la Norvège maintient son 1er rang au classement, "il y a une inquiétude très forte pour les démocraties européennes", estime même Christophe Deloire, secrétaire général de l'organisation, interrogé par l'AFP.

- Journalistes assassinés en Europe -

Quatre des plus forts reculs enregistrés cette année concernent des pays européens: la République Tchèque dont le président Milos Zeman s'est présenté lors d'une conférence de presse avec une kalachnikov factice portant l'inscription "pour les journalistes", dégringole de 11 places à la 34e; la Slovaquie où l'ex-Premier ministre Robert Fico a traité les journalistes de "sales prostituées anti-slovaques" et où un reporter, Jan Kuciak, a été tué récemment (moins 10 places à la 27è); Malte où une journaliste anticorruption a également été assassinée chute de 18 places au 65e rang; la Serbie en perd 10 (77e).

Même en France, qui progresse pourtant de 6 places au 33e rang (mouvement lié principalement au recul de plusieurs pays voisins), RSF relève que "le +mediabashing+, ou le dénigrement systématique de la profession par certains leaders politiques, a connu son paroxysme pendant la campagne électorale de 2017", et que "certains responsables continuent d'utiliser cette rhétorique pour attaquer les journalistes quand ils sont mis en difficulté", à l'instar du leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon qui a écrit récemment que "la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine".

Les Etats-Unis de Donald Trump, pays du 1er amendement qui sacralise la liberté d'expression, perdent quant à eux deux places au classement, et tombent au 45e rang.

"Ce classement traduit un phénomène malheureusement manifeste, la croissance dans bon nombre de démocraties de l'expression de la haine contre les journalistes, et la libération de cette haine est vraiment dangereuse", résume M. Deloire.

- "Un feu politique dangereux" -

Un phénomène qui touche selon lui "des démocraties aussi différentes que les Philippines (133e), avec le président Duterte qui prévient qu'être journaliste +ne préserve pas des assassinats+, que l'Inde (138e) où des armées de trolls à la solde des partis politiques appellent à la haine des journalistes, ou les Etats-Unis où Donald Trump les qualifie d'+ennemis du peuple+, une formule prisée par Staline".

RSF cite en contre-exemple des pays qui ont fait des bonds spectaculaires dans son classement, suite à des changements politiques, comme la Corée du Sud (+20 places), la Gambie (+21) ou l'Equateur (+13).

Pour RSF, ce climat délétère envers la presse sape l'un des fondements essentiels des démocraties.

"Ceux qui récusent la légitimité des journalistes jouent avec un feu politique extrêmement dangereux. Les démocraties ne meurent pas que par des coups d'Etat mais elles peuvent mourir aussi à petit feu, et l'une des premières bûches c'est généralement la haine envers les journalistes", a prévenu Christophe Deloire.

"Nous sommes tous vulnérables", a abondé Andrew Caruana Galizia, l'un des fils de Daphne Caruana Galizia, lors d'une conférence de presse organisée par RSF à Paris. "Cette tendance touche toute l'Europe, elle s'est installée dans les démocraties européennes les plus faibles", et si rien n'est fait contre ce phénomène, "des pays comme la France seront les prochains", a-t-il mis en garde.

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