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La nouvelle loi antiterroriste contestée devant le Conseil constitutionnel

Un texte "flou" avec des notions "extrêmement vagues" et au final, "un risque de dérive": des recours, déposés notamment par la Ligue des droits de l'Homme (LDH), contre "les mesures les plus saillantes" de la nouvelle loi antiterroriste ont été débattus mardi au Conseil constitutionnel.

"Ce qui semblait totalement inenvisageable il y a 3 ans est devenu aujourd'hui politiquement acceptable", a regretté l'avocat de la LDH, Me Patrice Spinosi. "Des mesures liées à un état d'exception, l'état d'urgence, par nature provisoire, (...) ont été transposées dans le droit commun", a-t-il déploré. "Vous devez réfléchir à la manière dont ces textes pourraient être utilisés demain par un gouvernement moins soucieux du respect des droits individuels des citoyens", a-t-il déclaré aux Sages du Conseil constitutionnel, qui rendront leur décision le 29 mars.

La loi, entrée en vigueur le 1er novembre 2017, a pris le relais de l'état d'urgence, instauré au soir des attentats du 13 novembre 2015. Le président Emmanuel Macron n'ayant pas demandé le contrôle par le Conseil constitutionnel de ce texte, adopté à une large majorité au Parlement, c'est par le biais de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), déposées par des citoyens et des associations, que ce contrôle s'effectue.

Quatre QPC de la LDH et d'un Français assigné à résidence à Grenoble ont été débattues. Elles visent les premiers articles de la loi, "les mesures les plus saillantes" du texte, selon Me Spinosi.

Il a démarré sa plaidoirie par les périmètres de protection, car c'est "la mesure qui aura le plus d'impact sur la vie quotidienne de chacun". Plus de 40 périmètres de sécurité ont été mis en place depuis l'entrée en vigueur de la loi, a indiqué l'avocat.

Selon le texte, l'instauration de ces zones vise à "assurer la sécurité d'évènements ou de lieux particulièrement exposés": le préfet peut autoriser des inspections des bagages, des palpations de sécurité par des agents de sécurité privés et des fouilles de véhicules.

- "Les résistants d'hier" -

Il y a, selon l'avocat "un risque de dérive". "Aucune définition de la superficie du périmètre" n'a été prévue. Ainsi pour les obsèques de Johnny Hallyday, le 9 décembre, la zone couvrait "toute une partie de la capitale".

Il a critiqué en outre la possibilité de renouveler "sans limite" cette disposition, citant l'exemple de la gare Lille-Europe, où un périmètre de protection est en vigueur depuis le 1er novembre.

Autre article problématique, selon la LDH: celui concernant "les visites et saisies". Selon la loi, le préfet peut ordonner, avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD), "la visite de tout lieu dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’il est fréquenté par une personne qui représente une menace terroriste". L'avocat s'inquiète notamment de l'absence de débat contradictoire devant le JLD.

Une QPC concerne la fermeture des lieux de culte, pour laquelle l'encadrement temporel est "tout à fait insuffisant" selon la LDH.

Enfin, une QPC vise les assignations à résidence, désormais appelées "mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance". Le Conseil constitutionnel a déjà statué sur ce texte, suite à un recours, et l'a "en substance validé à quelques exceptions près", a souligné Me François Pinatel, conseil du citoyen grenoblois assigné à résidence. L'avocat a cependant critiqué un texte "imprécis", "flou".

Plus largement, "la notion d'acte de terrorisme n'est pas définie", a déploré Me Pinatel. "C'est une notion éminemment relative", a dit l'avocat, rappelant que "les résistants d'hier" étaient eux-mêmes qualifiés de terroristes.

"La lutte contre le terrorisme est fondamentale, mais la vraie question aujourd'hui est de savoir si les dispositions (contestées, ndlr) sont véritablement utiles à cette lutte ou si elles ne sont que des commodités revendiquées depuis de nombreuses années par les ministres de l'Intérieur (...) pour s'émanciper d'une tutelle juridique", a dit Me Spinosi.

Au contraire, pour le représentant du Premier ministre, Philippe Blanc, "aucun des griefs n'est fondé". Il affirme notamment qu'il y a suffisamment de "garanties contre le risque de l'arbitraire".

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