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La prison seulement pour les cas graves: Macron dévoile une révolution des peines

Emmanuel Macron a annoncé mardi une profonde réforme du système des peines, qui proscrira les peines de prison courtes mais assurera l'application effective de celles de plus d'un an, tout en multipliant les alternatives en milieu ouvert.

Le chef de l’État a expliqué à Agen qu'il proposait une troisième voie entre "laxisme" et "répression", en dénonçant des prisons qui "déshumanisent" et sont des "écoles du crime". "Entre les laxistes qui voudraient que personne ne soit puni et les vrais durs qui seraient pour emprisonner les gens quelles que soient les mauvaises conditions, je ne crois à aucune de ces options car cette vision manichéenne dispense d'une vraie réflexion sur le contenu moral et politique que nous devons donner au sens de la peine", a-t-il déclaré.

Lors d'un discours devant les élèves de l’École nationale d’administration pénitentiaire, il a notamment annoncé que les peines de prison de moins d'un mois seront interdites et les peines de 1 à 6 mois pourront être effectuées en milieu ouvert. Le juge devra dûment motiver sa décision s'il décide malgré tout un emprisonnement.

Plusieurs délits (routiers, usage de drogue) seront forfaitisés: des amendes ou autres sanctions remplaceront la prison. Seront aussi créées de nouvelles peines autonomes comme le bracelet électronique à domicile.

Il compte aussi développer à grande échelle les travaux d'intérêt général, pour lesquels il veut mobiliser les entreprises, les collectivités et l’État.

Cela permettra, selon lui, de "sortir de prisons plusieurs milliers de personnes, dont toutes les petites peines" avec "beaucoup moins d'emprisonnement à moins de 6 mois".

En revanche, il veut qu'une peine de prison de plus de un an soit effectivement et aussitôt exécutée.

Ainsi, l'aménagement systématique des peines de moins de un an sera supprimé et laissé à l'appréciation du juge qui prononce la peine, au cas par cas. Mais cela responsabilisera les juges qui limiteront les décisions d'emprisonnement. estime-t-il.

L'objectif du chef de l’État est à la fois de résoudre la surpopulation carcérale mais aussi de redonner du sens aux peines prononcées, souvent modifiées en un second temps par les juges d'application des peines.

Il a aussi annoncé le renforcement des services de probation et d'insertion, qui seront dotés de 1500 postes supplémentaires.

- Dignité -

Il veut aussi redonner davantage de dignité aux détenus en renforçant par exemple l'activité et les contrats de travail en prison ou encore la possibilité de voter.

Avec un taux d'occupation de 200% en région parisienne et de 120% au niveau national, la France figure parmi les pires élèves d'Europe. Au 1er janvier 2018, 68.974 détenus s'entassaient dans 59.765 places.

Les alternatives à la prison existent déjà mais restent peu utilisées : en 2016, sur les quelque 550.000 délits sanctionnés, les tribunaux ont prononcé 52% de peines de prisons (dont 19% ferme) et 11% de peines alternatives dont moins de 3% travaux d’intérêt général.

Il veut également réduire les délais, qui peuvent atteindre des mois voire des années, entre le prononcé d'une peine et son application.

En revanche, il est revenu sur sa promesse d'accroître de 15 000 les places de prison. "Le PR ne souhaite pas de ‘fétichisme’ sur le nombre de 15 000 places", dit-on dans son entourage qui précise que "compte tenu des contraintes qui pèsent sur la construction d’établissements pénitentiaires, il apparaît possible de construire 7000 places sur le quinquennat".

"Une Nation est jugée à travers ses prisons. Beaucoup ne voudraient plus les voir, estiment que c'est la part maudite de la Nation, mais c’est aussi la Nation", a-t-il lancé, alors que la France a été condamnée par la Cour européenne des Droits de l'Homme pour sa surpopulation carcérale.

Le président a décidé de se saisir personnellement de la question de la peine un jour avant la présentation par Nicole Belloubet des cinq chantiers prioritaires de la Chancellerie, avec la transformation numérique, la simplification des procédures pénale et civile et l'organisation territoriale des tribunaux.

Ces chantiers déboucheront sur une loi de programmation de la justice début avril.

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