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Laissez nos graffitis sur les murs, clament les protestataires au Soudan

Les graffitis réalisés ces derniers mois par le mouvement de protestation au Soudan sont en train d'être effacés à Khartoum, a dénoncé mercredi la contestation, demandant aux militaires au pouvoir d'arrêter de détruire ce qui a, pour elle, valeur de symbole.

Le Soudan a été secoué pendant plus de sept mois par un mouvement de contestation inédit qui a mené le 11 avril à la chute du président Omar el-Béchir, avant de se mobiliser contre le Conseil militaire de transition l'ayant remplacé au pouvoir.

Après de longs pourparlers régulièrement interrompus par des violences, un accord de transition vers un pouvoir civil a été conclu début août et doit être signé samedi.

Dans un communiqué, l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, a accusé "les ennemis de la révolution" d'effacer les graffitis sur les murs de la capitale.

"Nous voyons cela comme (...) une tentative pathétique de supprimer la beauté (...) et l'esprit de la révolution", a-t-elle ajouté.

"Nous demandons au Conseil militaire d'arrêter immédiatement d'effacer (les graffitis sur) les murs et à tous les révolutionnaires de continuer à dessiner et exercer leur droit (à la libre) expression", a ajouté l'ALC.

Ces derniers jours, des dessins et slogans qui étaient apparus sur les murs de la capitale au cours du mouvement de contestation ont été recouverts par de la peinture.

Ces graffitis, de même que des chansons, étaient devenus des symboles du mouvement de contestation animé par de très nombreux jeunes militants, plutôt que par l'opposition politique traditionnelle.

"C'est une mesure absurde qui montre l'incapacité des ennemis de la révolution à reconnaître ses racines et ses réalisations dans le coeur du peuple", a ajouté l'Alliance.

Nombre de ces graffitis recouvraient les murs aux alentours du QG de l'armée, devant lequel a eu lieu pendant des semaines un sit-in réclamant le transfert du pouvoir aux civils.

Plus de 250 personnes ont été tuées dans le cadre de la répression du mouvement de contestation, selon des médecins proches des protestataires.

- "Pas de vrai changement" -

A la faveur d'une méditation de l'Ethiopie et de l'Union africaine, les meneurs de la contestation et les militaires au pouvoir ont fini par se mettre d'accord début août sur une période de transition de 39 mois pour ouvrir la voix à un transfert du pouvoir aux civils.

Mais dans le camp des protestataires, certains craignent que l'accord permettent aux forces responsables de la répression de rester au pouvoir.

Selon un graffeur contacté par l'AFP, la décision de recouvrir les graffitis de Khartoum est une preuve du retour des anciennes habitudes du pouvoir militaire.

"Lorsque nous avons fait ces fresques, nous exprimions le sentiment des temps qui changent", a expliqué Lotfy Abdel Fattah.

"Et maintenant, on nous envoie un signal qui nous dit qu'il n'y a pas de vrai changement, pas de vraie liberté", ajoute-t-il.

Interrogé par l'AFP en avril, après la destitution de M. Béchir, il avait prédit l'effacement de ces graffitis: mais "même s'ils sont effacés un jour, les dessins laisseront une trace indélébile dans l'esprit des gens".

Certains dessins représentaient notamment les manifestants tués.

"Je ne sais pas qui exactement (les efface) mais c'est quelqu'un qui a assurément quelque chose contre le changement", se désole le graffeur.

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