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Laos : mise en service d'un méga-barrage controversé sur le Mékong

Le méga-barrage de Xayaburi sur le Mékong au Laos est entré en service mardi et les ONG redoutent son impact écologique, d'autant plus que le niveau du fleuve, vital pour 60 millions d'habitants, est déjà historiquement très bas par endroits.

Situé à deux heures de route de Luang Prabang, dans le nord du Laos, cet ouvrage, construit par une entreprise thaïlandaise et qui a coûté plus de 4,5 milliards de dollars, est le dernier en date d’une multitude de retenues d’eau qui entravent le cours naturel du Mékong.

Xayaburi fait toutefois l’objet d’une controverse particulière, suscitant l'inquiétude du Cambodge, du Vietnam, des populations locales et des défenseurs de l'environnement qui craignent des retombées négatives importantes sur les stocks de poissons, l'écosystème et les niveaux d'eau du Mékong.

Ce fleuve de 4.800 kilomètres de long abrite en effet la biodiversité aquatique la plus importante du monde derrière l'Amazone, avec notamment 1.300 espèces de poissons. Et il est vital pour la survie de quelque 60 millions de personnes.

Le barrage, long de 820 mètres, "est prêt à produire de l'électricité" dès ce mardi, a déclaré dans un communiqué Thanawat Trivisvavet, le directeur de la CKPower qui a mis en oeuvre le projet.

La majeure partie de l'énergie hydroélectrique fournie par cet ouvrage, d'une capacité totale de 1.285 mégawatts, sera vendue à la Thaïlande.

CKPower a entamé une grande campagne dans les médias, mettant en avant un édifice érigé "dans le respect de la grandeur du fleuve".

- Chute du niveau des eaux -

Mais à la frontière entre le Laos et le nord-est de la Thaïlande, les habitants sont inquiets des éventuelles répercussions sur leurs moyens d’existence.

"C'est le dernier jour où nous pouvons vivre comme avant dans le bas Mékong", a déploré lundi sur Facebook un collectif de villageois, appelant le gouvernement thaïlandais à s'attaquer de toute urgence aux problèmes environnementaux.

Sur des images prises lundi dans la province thaïlandaise de Nong Khai, frontalière du Laos, on peut voir que le fleuve flirte dans cette région avec "des niveaux historiquement très bas", relève Pianporn Deetes, de l'ONG International Rivers.

"La sécheresse à elle seule n’explique pas la brutale chute du niveau de l'eau. Nous constatons ce phénomène depuis juillet, ce qui coïncide avec les tests effectués sur le barrage de Xayaburi", à quelque 300 kilomètres en amont, dit-elle encore à l'AFP.

Elle déplore aussi la difficulté de précisément évaluer la situation par "manque d'informations fournies par la compagnie". "Ils prennent en otage l'avenir des écosystèmes du Mékong et des populations" voisines, accuse Pianporn Deetes.

Sollicitée, CKPower n'était pas disponible dans l'immédiat.

- "Batterie de l'Asie du Sud-Est" -

Enclavé au cœur de la péninsule indochinoise, dépourvu du moindre accès à la mer et de tissu industriel, le Laos mise sur l'énergie hydraulique issue des cours d'eau pour appuyer son développement et ambitionne de devenir "la batterie de l'Asie du Sud-Est".

44 barrages, notamment financés par la Chine et la Thaïlande, sont déjà opérationnels dans ce pays qui tire désormais de l'exportation de cette énergie une importante source de revenus, tandis que 46 retenues sont en construction.

Une frénésie qui ne fait pas seulement courir des risques à l'environnement, comme l'a montré l'effondrement l'année dernière d'un barrage du sud du Laos, une catastrophe dans laquelle des dizaines de personnes ont péri.

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