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Le chemin encore incertain des homosexuels dans l'Eglise de France

"Ça bouge, doucement": cinq ans après les "manifs pour tous" contre le mariage homosexuel qui ont divisé les paroisses, des gays ou lesbiennes catholiques témoignent de leur accueil au sein de l'Eglise, évoquant une relative évolution sur un chemin semé d'embûches.

Un soir de juin, dans une crypte de l'église Saint-Sulpice à Paris: une cinquantaine de personnes assistent à la messe mensuelle de l'association DUEC (Devenir un en Christ), qui veut conjuguer foi et homosexualité autour de la prière. Le prêtre conclut son homélie en insistant sur la beauté de "l'amour partagé, quel qu'il soit".

Le catéchisme de l'Eglise catholique promulgué en 1992 paraît plus ambivalent: il fait une différence entre les "personnes homosexuelles", qui "doivent être accueillies avec respect, compassion et délicatesse", et les "actes d'homosexualité", jugés "intrinsèquement désordonnés".

Le père Sébastien Antoni dit lui son "souci" que les homosexuels "puissent se sentir reconnus et dignes" dans l'Eglise. Cinq ans après l'adoption du mariage homosexuel, il garde un regard critique sur la Manif pour tous, comptant de nombreux catholiques dans ses rangs, qui "a fait beaucoup de mal en isolant les personnes, même si ce n'était pas le but".

C'est "épuisée et blessée par des propos" entendus lors de ces manifestations que Maëla, 42 ans, a rejoint l'association DUEC, où elle co-anime un groupe de partage.

"En tant que baptisée, je veux avoir ma place dans l'Eglise. Je ne supporte plus qu'on y parle à ma place", confie-t-elle à l'issue de la messe de son association, autour d'un pique-nique. Pour cette femme dynamique, "ça bouge, doucement" dans l'Eglise, et le pape François n'y est pas étranger. Son fameux "Qui suis-je pour juger?", évoquant en 2013 l'homosexualité d'un membre de la curie romaine, a été entendu comme une parole de réconfort, même si elle ne remettait pas en cause la doctrine.

- "Vallée de larmes" -

Gérard, 69 ans, vit depuis 34 ans avec son compagnon. Mais pour que ce catholique engagé soit nommé vice-président du Secours catholique dans son département, il lui a fallu braver bien des résistances. Il espère à présent qu'un prêtre acceptera de bénir son futur mariage, "discrètement" prédit-il.

Eric, lui, a pu "tomber sur des prêtres un peu rudes en confession, avec un manque de psychologie". Membre d'un groupe de célibataires de DUEC, ce quadragénaire participe également aux activités de Courage, une organisation qui prône "la chasteté selon les enseignements de l'Eglise catholique".

Cette association, qui a dû récemment renoncer à des rencontres à Bayonne à la suite d'une polémique, est dans le collimateur des mouvements LGBT, vent debout contre sa maison-mère américaine, aux thérapies de conversion contestées.

"Nous ne sommes pas dans l'optique de convertir les gens, mais de fournir un accompagnement spirituel", assure le père Louis-Marie Guitton, aumônier de Courage France. Lequel appuie "la distinction que l'Eglise fait en essayant d'accompagner les personnes, qu'on aime même si on n'est pas forcément d'accord avec les actes qu'elles posent".

Pour le mouvement David & Jonathan, une telle conception "hypercompassionnelle et hyperculpabilisante à la fois" est potentiellement porteuse d'"abus psychospirituels".

"Mais Courage est groupusculaire", relativise Anthony Favier, son coprésident, qui préfère citer l'action d'autres mouvements en Eglise, comme la Communion Béthanie ou l'association Réflexion et Partage.

Un tiers des diocèses ont mis en place des groupes d'accueil d'homosexuels, se réjouit-il. "Après la Manif pour tous, qui a divisé les paroisses, beaucoup d'évêques ont voulu retrouver l'unité".

Problème selon lui: il n'y a pas de "référentiel national disant que, dans toutes les paroisses, toutes les personnes LGBT sont les bienvenues". Et ce militant aimerait que "l'homosexualité puisse avoir une place positive" alors qu'elle est encore vue comme "un douloureux problème: on ne sort pas de la vallée de larmes".

"Chacun vit sa foi, sa sexualité comme il l'entend", souligne de son côté Matthieu, jeune président de DUEC, qui voit le catholique homosexuel "sur un chemin, comme tout chrétien". Dans un "horizon idéal", son association ne "servira à rien". "Ce n'est pas pour demain", note-t-il.

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