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Le cricket en Suède en plein boom grâce aux migrants

Battes en bois et balles rouges à la conquête des gazons de Suède: le cricket connaît une explosion dans le pays scandinave grâce aux migrants afghans et pakistanais qui y trouvent une façon de se raccrocher à leurs racines.

Encore marginal il y a dix ans au pays du hockey sur glace, le cricket a vu ses clubs se multiplier et ses bancs se garnir de manière spectaculaire ces dernières années.

"Il y a trois-quatre ans, nous ne comptions que treize clubs en Suède, pour environ 600-700 joueurs", explique Tariq Zuwak, président de la Fédération suédoise de cricket.

Depuis, le nombre de clubs a quadruplé (ils sont 65) et il y a désormais trois fois plus de joueurs. La fédération, forte de quatre divisions, en compte ainsi 2.000, dont la moitié a acquis la citoyenneté suédoise, tandis que l'autre moitié est encore en attente. Une poignée de licenciés sont nés en Suède.

Ce développement très rapide est "principalement dû au contexte mondial", indique M. Zuwak. La Suède a enregistré environ 400.000 demandes d'asile depuis 2012, une sur huit émanant d'Afghans. Cela représente une demande pour 25 habitants, un record en Europe, avec un pic de 162.000 demandes en 2015.

Face à l'afflux de demandeurs d'asile amateurs de cricket, la fédération suédoise a créé de nouvelles équipes et embauché deux personnes supplémentaires, dont l'une s'occupe de l'intégration des nouveaux arrivants.

- Devenir "plus fort" -

Casquette vissée sur la tête, le visage marqué par l'effort d'un match à peine achevé, Saeed Ahmed, 18 ans, est l'un d'eux.

Arrivé d'Afghanistan en 2015, le jeune homme a commencé très tôt le cricket dans son pays natal. Une fois en Suède à l'issue d'un périple dangereux et éreintant, s'inscrire dans un club lui a semblé une évidence. Il entend maintenant devenir "plus fort" encore.

Par une chaude journée de printemps en plein coeur de Stockholm, Saeed se démène pendant trente minutes de jeu sous les yeux de son coach David Williman, qui entraîne l'équipe des moins de 19 ans.

"C'était dur", concède le joueur originaire de Jalalabad, dans la province du Nangarhar (est) qui abrite une forte présence de combattants talibans et du groupe Etat islamique.

Et pour cause: l'Afghan vient d'affronter l'un des clubs les plus prestigieux au monde, le Marylebone Cricket Club (MCC) de Londres, "gardien des lois du cricket", un sport pratiqué par des millions de personnes notamment dans les anciennes colonies britanniques en Asie.

Face au "Real Madrid du Cricket", comme on s'amuse à l'appeler sur le bord du terrain, la défaite est sans appel, mais la joie certaine.

- Côtoyer l'élite -

La vie en club est une manière pour ces demandeurs d'asile de s'aérer l'esprit et d'oublier un moment l'angoisse qui les étreint quand vient l'examen de leur dossier.

"Leur famille manque aux plus jeunes et ils s'inquiètent pour leur demande d'asile. Quand ils jouent au cricket, ils ne pensent à rien d'autre que s'amuser", estime Tariq Zuwak.

C'est aussi une façon d'éviter la rupture brutale avec leurs origines: "Ici, je me suis fait des amis qui viennent aussi d'Afghanistan", explique Saeed, qui évolue au club d'Huddinge, dans la banlieue stockholmoise.

Le jeune homme espère maintenant franchir une nouvelle étape et prendre part aux qualifications pour la Coupe du monde des moins de 19 ans, disputées en Angleterre en juillet et août.

Ses aînés de l'équipe nationale, entraînés par l'ancien international pakistanais Mohammad Wasim, joueront eux pour la deuxième fois de leur histoire les qualifications à l'ICC World T20 cet été (version plus courte et plus spectaculaire que le cricket traditionnel) - en espérant côtoyer l'élite mondiale en Australie en 2020.

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