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Le grand retour de Jules Michelet dans la Pléiade

Publiée dans la Pléiade une première fois il y a 67 ans, "L'histoire de la Révolution française", l’œuvre-phare de Jules Michelet, revient dans la prestigieuse collection de Gallimard dans une édition entièrement revue.

Cette nouvelle édition (sous la direction de l'universitaire Paule Petitier, grande spécialiste de Michelet) reproduit le texte de l'édition originale parue en sept volumes entre 1847 et 1853.

En 1952, la Pléiade avait fait le choix inverse en publiant (sous la direction de l'historien Gérard Walter) l'édition parue en 1868-1869, la dernière publiée du vivant de Michelet (décédé en février 1874).

"La décision de donner à lire cet état de l’œuvre (...) tient à la volonté de mettre en lumière les scansions initiales d'une œuvre dont la publication s'est étendue sur sept années", se justifie Paule Petitier.

"Chaque tome, nous en sommes persuadés, a sa propre tonalité et développe ses propres questionnements, liés à l'actualité politique et sociale", explique l'universitaire. "Nous avons souhaité redonner à l’œuvre le rythme de sa création entremêlée aux soubresauts de l'histoire".

En 1847, lorsque paraît le premier des sept tomes de son "Histoire de la Révolution française", Michelet a 49 ans. C'est un historien reconnu, titulaire de la chaire d'histoire et de morale au Collège de France, directeur de la section historique des Archives, membre de l'Institut. Quand sort le dernier volume, en 1853, il a perdu à la fois sa chaire et son poste aux Archives, "il est devenu un exilé intérieur".

Il rédigera les deux derniers tomes de son œuvre "dans l'abattement du désastre politique et dans l'inconfort d'une vaste maison isolée", écrit Paule Petitier. Les derniers tomes de "L'histoire de la Révolution française" paraissent en août 1853 "étouffés par le silence pesant des débuts de l'Empire, tandis que Michelet, malade, épuisé, prend le chemin de l'Italie".

- "Les femmes règnent" -

Entre le moment où Michelet le républicain commence à écrire, et celui où il achève la rédaction de son œuvre, il y aura eu la faillite de la monarchie de juillet, la Révolution de 1848 et le coup d’État du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte qui met fin à l'éphémère IIe République.

Pourquoi lire encore aujourd'hui cette "Histoire de la Révolution française" qui, admet Paule Petitier, apparaît "dépassée par l'accumulation du savoir et de la recherche" sur le sujet? C'est, répond l'universitaire, que "l'histoire de Michelet continue d'apparaître comme un réservoir d'intuitions où la discipline fonde ses ressourcements".

Le lecteur contemporain sera frappé par la place considérable que Michelet accorde aux femmes.

Le statut des femmes préoccupe l'historien. Leur mise à l'écart de la vie civique est une des causes profondes de l'échec de la démocratie politique, estime-t-il.

"Qu'on sache bien qu'une société qui ne s'occupe pas de l'éducation des femmes et qui n'en est pas maîtresse est une société perdue", écrit-il.

Michelet estime qu'en abandonnant l'éducation des femmes au clergé, les révolutionnaires se sont privés d'un concours essentiel.

"Les femmes règnent, en (17)91, par le sentiment, par la passion, par la supériorité aussi", souligne-t-il en dressant les portraits de nombreuses femmes ayant marqué la période révolutionnaire comme Mme de Staël, Mme Roland (qui "donne à l'idée républicaine la force morale de son âme stoïque et son charme passionné") et bien sûr Olympe de Gouges. De cette "ardente Languedocienne", il rappelle cette "belle parole" pour réclamer les droits des femmes: "Elles ont bien le droit de monter à la tribune, puisqu'elles ont le droit de monter à l'échafaud".

Évoquant Charlotte Corday (qui poignarda Marat en juillet 1793), Michelet refuse d'en faire un monstre ou une hystérique mais décrit une jeune femme (elle avait 25 ans) profondément affectée par le sort de sa patrie.

"L'histoire de la Révolution française" demeure également un formidable objet littéraire (loué par des écrivains aussi différents que Flaubert, Dumas, Gide, Proust, Sartre, Claude Simon ou encore Pierre Michon).

"Il a été l'un des grands forgerons de la prose moderne", rappelle Paule Petitier.

Cette nouvelle édition paraît jeudi en deux volumes, de plus de 1.500 pages, vendus chacun 62,50 euros (125 euros le coffret).

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