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Le mental joue pour "50% sinon plus" en F1 (médecin)

La performance d'un pilote de Formule 1, "c'est au moins 50% physique, 50% mental, sinon plus pour le mental", estime le docteur Riccardo Ceccarelli, fondateur de Formula Medicine et pionnier des méthodes d'entraînement à destination des pilotes.

Q: Quelles sont les spécificités de l'entraînement d'un pilote de Formule 1 ?

R: "A titre de comparaison, le sport qui, pour moi, est le plus similaire est la boxe. Le boxeur doit à la fois être fort et rapide. Il ne faut pas que ses muscles soient trop gros, sinon il perd en vitesse. Le boxeur essaye aussi d'être au poids le moins élevé possible pour rester dans la catégorie inférieure. Il lui faut un temps de réaction très court, beaucoup de concentration, de la confiance en soi, ne pas avoir peur en allant au combat. Si vous considérez tous ces aspects, il y a beaucoup de points communs entre piloter une voiture et boxer."

Q: Quelle proportion prennent respectivement les préparations physique et mentale ?

R: "Pour nous, c'est au moins 50% physique, 50% mental, sinon plus pour le mental. Quand vous avez atteint une haute condition physique et que vous pouvez piloter sans vous fatiguer pendant toute la durée de la course, il suffit de maintenir cela. Par contre, vous pouvez toujours progresser sur le plan mental et c'est cela qui améliore vos performances. Demander à un pilote d'enchaîner pendant une heure et demie soixante-dix tours au rythme des qualifications et sans faire aucune erreur est impossible. Ca serait comme demander à un marathonien de courir chaque kilomètre au même rythme. Il faut gérer son énergie, ses capacités et ça se joue dans le cerveau. Le rythme de course d'un pilote en bonne condition physique n'est pas limité par ses muscles mais par ses aptitudes mentales, sa capacité à rester concentré et à 100%."

Q: Comment travaillez-vous cet aspect mental ?

R: "Nous disposons de deux gymnases jumeaux de la même superficie, l'un dédié au physique, l'autre au mental. Nous avons créé des logiciels pour travailler la concentration, la focalisation de l'attention, le temps de réaction, la coordination, la fluidité de mouvement, la flexibilité mentale, la capacité à effectuer plusieurs tâches simultanément... Ce qui est intéressant, c'est que nous mesurons non seulement la performance mais aussi le rythme cardiaque et l'activité cérébrale. C'est comme la télémétrie d'une voiture: nous pouvons savoir si vous gaspillez de l'énergie, si vous avez trop de pression au début, si vous vous fatiguez à la fin ou perdez en concentration, si vous pensez trop et ne restez pas assez focalisé... Pour plus de pression, jusqu'à quatre personnes peuvent participer au même test. Les pilotes sont en général tellement fiers et ont un tel esprit de compétition que la plupart sont alors moins performants et consomment plus d'énergie. C'est important de leur montrer que la compétition peut leur faire perdre de leur potentiel et qu'il faut arriver en course relaxé, l'esprit libre, sans trop réfléchir ou se fixer d'objectif, d'être juste calme et confiant. Pour résumer, c'est comme un détecteur de mensonges qui permet de déceler vos points faibles pour travailler ensuite dessus avec des psychologues de manière personnalisée. Le but est d'améliorer la performance tout en réduisant la consommation. Quand votre corps et votre esprit consomment moins, vous gérez mieux la pression, vos capacités et vos ressources. On parle de +mental economy training+ (qu'on pourrait traduire en français par entraînement pour s'économiser mentalement, ndlr). C'est innovant car la préparation mentale était jusque-là l'affaire de psychologues ou de coachs qui travaillent avec la parole plutôt que de chiffres."

Propos recueillis par Raphaëlle PELTIER.

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