Accueil Actu

Le pape offre un symbole de paix au président turc, Rome quadrillée

Le pape François a longuement reçu lundi au Vatican le président turc Recep Tayyip Erdogan avant de lui offrir un médaillon avec "un ange étranglant le démon de la guerre", au moment même où l'armée turque bombarde des Kurdes en Syrie.

Le souverain pontife, qui n'a de cesse de marteler son horreur des guerres, n'a sans doute pas manqué d'aborder l'offensive menée depuis le 20 janvier par la Turquie en Syrie contre la région d'Afrine, au cours de sa rencontre privée de 50 minutes avec M. Erdogan.

Ces attaques visent officiellement à éloigner de la frontière turque la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), une organisation classée "terroriste" par Ankara mais alliée de Washington dans la lutte contre l'EI.

La voiture de M. Erdogan était arrivée lundi matin sur une place Saint-Pierre inaccessible et désertée, tandis qu'une très vaste zone du centre de Rome a été interdite aux manifestants.

Plusieurs dizaines de personnes se sont cependant rassemblées à la mi-journée non loin du Vatican, à l'initiative d'une association italienne de Kurdes. "A Afrine, un nouveau crime contre l'Humanité est en cours", a dénoncé cette dernière.

Deux manifestants ont été interpellés à la suite de brèves échauffourées, a annoncé la préfecture de police.

Au cours de discussions "cordiales", le pape et le président turc ont abordé "la situation au Moyen-Orient, avec une référence particulière au statut de Jérusalem, mettant en exergue le besoin de promouvoir la paix et la stabilité dans la région à travers le dialogue et la négociation, en respectant les droits de l'Homme et la loi internationale", précise le Vatican dans un communiqué.

Les droits de l'Homme mentionnés ne renvoient pas directement à la Turquie ou aux bombardements visant des Kurdes en Syrie.

M. Erdogan avait prévu de remercier le pape pour avoir contesté la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem en tant que capitale d'Israël. "Nous sommes tous les deux pour la défense du statu quo", avait commenté le dirigeant turc dimanche dans le journal italien La Stampa.

-Erdogan en retard-

Le chef de l'Etat turc, très souriant et en retard, a été accueilli lundi dans le palais du Vatican par un souverain pontife à la mine plus sérieuse. Mais l'atmosphère semblait plus détendue au moment d'échanger des cadeaux et de prendre congé, ont raconté deux journalistes présents.

"Ceci est un ange de la paix, qui étrangle le démon de la guerre", a commenté le pape en offrant un médaillon en bronze d'une vingtaine de centimètres de diamètre. "C'est le symbole d'un monde basé sur la paix et la justice", a-t-il ajouté.

Le médaillon représente un ange rapprochant les hémisphères nord et sud, tout en combattant un dragon.

M. Erdogan a apporté au souverain pontife une grande représentation panoramique en céramique d'Istanbul, sur laquelle on pouvait distinguer la coupole de la basilique Saint-Sophie convertie par les Ottomans en mosquée au XVe siècle, ainsi que la célèbre mosquée bleue.

Le pape argentin, défenseur du dialogue interreligieux, avait effectué un voyage peu chaleureux en Turquie en novembre 2014. M. Erdogan, un pieux musulman, s'était alors arc-bouté sur la dénonciation de l'"islamophobie".

Il avait aussi dévoilé à François, chantre de la simplicité, son fastueux palais présidentiel d'un millier de pièces et 200.000 m2, soit un peu moins de la moitié de la superficie du Vatican.

En juin 2016, au cours d'un voyage en Arménie, le pape avait utilisé le mot "génocide", que la Turquie réfute pour qualifier les massacres d'Arméniens de 1915/16 : cela avait provoqué le courroux des autorités turques qui avaient alors fustigé "une mentalité de croisade".

- Pas de rencontre avec la presse -

Le président turc était accompagné lundi d'une délégation de 16 personnes, dont son épouse et l'une de ses filles, portant des foulards.

Le président turc devait aussi s'entretenir lundi avec le président italien, Sergio Mattarella, et le chef du gouvernement, Paolo Gentiloni, une occasion de parler d'immigration clandestine, d'industrie de la défense ou d'adhésion à l'UE.

Dimanche, il avait réclamé une "adhésion" de la Turquie à l'UE, rejetant la proposition française d'un simple "partenariat".

Aucune rencontre avec la presse n'était prévue. M. Erdogan avait été vivement critiqué début janvier à Paris pour s'en être pris à un journaliste français l'interrogeant sur la livraison supposée d'armes par Ankara au groupe Etat islamique en 2014.

Sa visite en France avait été la plus importante dans un pays de l'UE depuis le putsch manqué de 2016 et la répression qui l'a suivi.

À lire aussi

Sélectionné pour vous