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Le poète sud-coréen Ko Un rattrapé par des soupçons d'agression sexuelle

Le poète sud-coréen Ko Un, souvent cité comme un lauréat potentiel du prix Nobel, est à son tour rattrapé par des soupçons d'agression sexuelle contre une autre auteure de renom, qui signe une charge poétique contre un milieu littéraire vicié.

Dans son poème "Goemul", qui peut se traduire par "Monstre", Choi Young-mi, 56 ans, relate l'agression commise par un autre poète simplement nommé "En".

Elle ne donne pas l'identité de "En" dans le texte, et s'est par la suite refusée à le faire lors d'une interview télévisée.

Mais la description de cet agresseur ressemble fortement à Ko Un, un ancien moine bouddhiste aujourd'hui âgé de 84 ans, un des auteurs les plus respectés de Corée du Sud qui fut arrêté et torturé sous la dictature militaire, et est un militant engagé en faveur du rapprochement intercoréen.

Au point que médias et commentateurs sud-coréens ont tous fait le lien entre "En" et Ko Un: "Ko Un démasqué par Choi Young-Mi", titrait ainsi un journal.

Ce genre d'accusation est extrêmement rare dans la société sud-coréenne profondément patriarcale où chasteté et obéissance sont attendues des femmes.

Le mouvement planétaire #Metoo, né dans la foulée des accusations contre le producteur de cinéma américain Harvey Weinstein, n'a d'ailleurs eu qu'un écho limité.

"Ne t'assois pas à côté de En / M'avait conseillé à moi, la novice en littérature, le poète +K+ / Il touche les jeunes femmes dès qu'il en voit une", avance en substance le poème "Monstre".

- 'J'ai été une victime' -

"J'ai oublié le conseil de +K+ et je me suis assise à côté de En/ Moi aussi/ La blouse bleue empruntée à ma soeur a été froissée."

"Des années plus tard/ A une fête de fin d'année d'un éditeur/ J'ai vu En tripoter une éditrice assise près de lui/ J'ai crié/ Espèce de vieux sournois!"

"En" a publié une centaine de livres, raconte le poème, comme Ko Un, et est un candidat au "Prix Noteol" (sic).

"S'il gagne vraiment le Prix Noteol/ Je quitterai le pays/ Je ne veux pas vivre dans ce monde dégoûtant", poursuit le poème.

Dans l'interview télévisée, Mme Choi s'est livrée sur l'horreur que lui inspire le milieu littéraire sud-coréen.

"Ce n'était pas juste une fois ou deux. J'ai vu un nombre incalculable de cas de harcèlement et d'agressions sexuelles depuis que j'ai commencé la littérature", a déclaré la poétesse à la chaîne JTBC News. "J'ai moi-même été une victime."

Il était banal dans les années 1990 que des "aînés" du monde de la littérature prennent pour cible "des jeunes femmes écrivains célibataires", a-t-elle raconté, en expliquant que ces "proies" risquaient de sérieuses déconvenues professionnelles, notamment critiques, si elles refusaient les avances.

La plupart des éditeurs étaient des hommes, a-t-elle rappelé.

- 'Atrocités' -

"Ils n'avaient plus qu'à dire +Nous refusons votre oeuvre parce qu'elle n'est pas assez bien+, et cela continuait pendant 10 ans, 20 ans. Et votre carrière était terminée", a dit Mme Choi, dont l'oeuvre a été primée.

Ko Un est depuis les années 1980 une figure de la littérature sud-coréenne, dont les poèmes, qui explorent la vie des gens ordinaires, ont été traduits dans de nombreuses langues et figurent dans les manuels scolaires sud-coréens.

Certains ont saisi le prétexte du témoignage de Mme Choi pour mettre aussi en cause le comportement de Ko Un.

"Soyons honnêtes", a ainsi écrit mardi sur Facebook le poète de Séoul Reu Keun. "Combien parmi nous ignoraient les atrocités de Ko?"

"Tant de personnes ont été le témoin des atrocités de Ko mais sont restées silencieuses, voire même les ont soutenues comme si elles étaient des marques sacro-saintes de son génie."

Hankyoreh, un journal de Séoul, a rapporté avoir interviewé "le poète âgé identifié sous le nom de +En+", sans dire qu'il s'agissait de Ko Un.

"Si mon comportement est perçu selon les critères actuels comme du harcèlement, je crois que j'ai eu tort et je le regrette", a dit ce poète au journal.

Le député conservateur Yoo Seung-min a demandé le retrait de Ko Un des manuels scolaires. S'il avait gagné le Prix Nobel, a-t-il dit, "cela aurait été une humiliation nationale".

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