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Le président Béchir, inébranlable face aux manifestations au Soudan

Défiant depuis des années la justice internationale qui l'accuse de génocide, le président soudanais Omar el-Béchir se montre aussi inébranlable face aux manifestations contestant son régime.

A 75 ans, malgré le mouvement de protestation qui agite le Soudan depuis le 19 décembre, M. Béchir est déterminé à conserver le pouvoir saisi en 1989 après un coup d'Etat soutenu par les islamistes.

Au moins 19 personnes ont été tuées et des centaines blessées, depuis le début du mouvement provoqué par la hausse du prix du pain, dans une économie dévastée par la crise.

Selon Human Rights Watch au moins 40 personnes auraient été tuées, dont des enfants.

Ce n'est pas la première fois que l'homme fort du Soudan est confronté à une opposition de la rue: des manifestations avaient eu lieu en septembre 2013 et en janvier 2017. Mais les manifestations actuelles représentent le plus grand défi auquel M. Béchir a été confronté, selon les experts.

Ce militaire de carrière a longtemps défié la Cour pénale internationale (CPI). En 2009, celle-ci a lancé un mandat d'arrêt pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour, une région de l'ouest soudanais meurtrie par les violences, avant d'ajouter en 2010 l'accusation de génocide.

- Infatigable -

Par la suite, M. Béchir, élu deux fois président dans des scrutins boycottés par l'opposition en 2010 et 2015, a dû limiter ses déplacements à l'étranger.

En décembre 2018, dans un dernier coup d'éclat international, il s'est rendu à Damas pour y rencontrer Bachar al-Assad, devenant le premier chef d'Etat arabe à se rendre en Syrie après l'éruption du conflit en 2011.

Mercredi, visiblement infatigable, le président Béchir est apparu en public à Khartoum haranguant une foule de ses supporteurs en agitant un bâton à la main. "Ce rassemblement envoie un message à ceux qui pensent que le Soudan va finir comme d'autres pays qui ont été détruits", a dit le président sous les acclamations de la foule.

Crâne dégarni, large moustache et silhouette enrobée, M. Béchir doit sa longévité aux liens étroits qu'il a su conserver avec l'armée.

Né en 1944 dans une famille rurale de Hosh Bannaga, village à une centaine de kilomètres au nord de Khartoum où il demeure très populaire, Omar Hassan Ahmed el-Béchir est fasciné dès son plus jeune âge par la carrière militaire.

Il a combattu Israël aux côtés de l'armée égyptienne durant la guerre israélo-arabe de 1973.

Le 30 juin 1989, le général Béchir et un groupe d'officiers renversent le gouvernement démocratiquement élu de Sadek al-Mahdi. Ce coup d'Etat est appuyé par le Front islamique national, le parti de son mentor Hassan al-Tourabi, décédé en 2016 après être devenu l'un de ses pires opposants.

Sous l'influence de Tourabi, il oriente le Soudan -pays morcelé en une pléthore de tribus et alors divisé entre le nord majoritairement musulman et le sud peuplé de chrétiens- vers l'islam radical.

Khartoum devient la plaque tournante de l'internationale islamiste, accueillant notamment l'ancien chef d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden, avant de l'expulser sous la pression des Etats-Unis.

A la fin des années 1990, Béchir tente de se démarquer de l'islamisme radical et d'améliorer ses relations avec ses adversaires et voisins.

Mais en 2003, lorsqu'il lance ses troupes contre la rébellion au Darfour, il se retrouve de nouveau dans l'isolement.

- "Position affaiblie"-

En 2005, il signe l'accord de paix avec les rebelles du Sud, qui ouvre la voie à un partage du pouvoir et à un référendum sur l'indépendance de cette région, où sont concentrées les réserves pétrolières. Celle-ci deviendra en 2011 l'Etat du Soudan du Sud.

Malgré les accusations de la CPI, M. Béchir consolide son pouvoir, le Parlement lui octroyant de plus larges prérogatives.

Outre les conflits armés, il fait face à une économie au bord de la faillite, alors que les Etats-Unis imposent en 1997 au Soudan un embargo économique. L'embargo est finalement levé en 2017.

Par ailleurs, en 2011, le pays a perdu les trois quarts de ses ressources pétrolières avec la sécession du Sud.

En 2015, il a rejoint la coalition dirigée par l'Arabie saoudite pour lutter au Yémen contre des rebelles chiites Houthis soutenus par l'Iran.

Malgré les nombreux défis qu'il a su relever, les analystes s'interrogent sur les capacités de M. Béchir à relever le défi des protestations actuelles au Soudan.

"Les manifestations ont affaibli sa position", a dit Khalid Tijani, de l'hebdomadaire économique Elaff. "Le président Béchir était sur le point d'obtenir des amendements constitutionnels pour lui permettre de se représenter à la présidence de nouveau en 2020, mais maintenant il va devoir réexaminer cela", a-t-il ajouté.

M. Béchir a deux femmes mais pas d'enfant.

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