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Le procès de Jawad Bendaoud, du one-man-show aux larmes des victimes

Le procès de Jawad Bendaoud, qui entre dans sa dernière ligne droite, a d'abord pris des allures de spectacle en décalage total avec la gravité des faits avant de basculer en s'ouvrant à la douleur des victimes.

Depuis son ouverture le 24 janvier, le procès connaît un succès retentissant sur les réseaux sociaux, chaque petite phrase de Jawad Bendaoud se propageant en quelques minutes. Tous les jours, des étudiants en droit et des curieux se pressent pour rentrer sous la tente installée dans la salle des pas perdus du palais de justice de Paris, où le procès est retransmis sur grand écran.

Aussi paradoxal que cela puisse être pour le premier procès en lien avec les attentats du 13-Novembre, qui ont fait 130 morts, il y a eu des rires dans la 16e chambre du tribunal correctionnel, dans les deux salles de retransmission et au-delà.

Des médias ont même fait "un best of" des phrases insolites de Jawad Bendaoud. Sa rencontre avec un rat dans la prison de Fresnes, ses échanges avec la présidente du tribunal ("Madame la juge, vous êtes magistrat, je vais pas vous prendre pour un lapin de six semaines"), ou encore sa description de sa soirée du 17 novembre: quand il mangeait un sandwich "escalope-boursin" alors que les jihadistes étaient dans son squat.

Jawad Bendaoud et son co-prévenu Mohamed Soumah sont pourtant jugés pour "recel de malfaiteurs terroristes" et encourent six ans de prison. Le premier a logé dans son squat deux jihadistes auteurs des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, dont le cerveau présumé des attaques Abdelhamid Abaaoud. Mais il nie avoir su qu'il s'agissait de terroristes. "Je n'étais au courant de rien", a-t-il répété depuis le début du procès.

Un troisième prévenu, Youssef Aït Boulahcen, est le cousin d'Abdelhamid Abaaoud et le frère d'Hasna Aït Boulahcen qui était chargée de trouver une planque pour les deux jihadistes. Jugé pour "non dénonciation de crime terroriste", il encourt cinq ans de prison.

- "Ca ne me fait pas rire" -

"Depuis quelques jours, nous avons assisté à un show. Je ne m'en cache pas: moi aussi, j'ai souri, j'ai ri. Je m'en veux un peu", a reconnu jeudi une des avocates des parties civiles Héléna Christidis au début de sa plaidoirie. Elle était loin d'être la seule à rire.

Sans surprise, cette ambiance a blessé des victimes. "J'étais outré lors des débats par les rires. Moi, ça ne me fait pas rire", a dit en lisant un texte poignant le père d'une jeune femme tuée au Bataclan. Car il y a aussi eu beaucoup de larmes dans ce procès: c'était la première fois que des victimes partageaient leur douleur à la barre.

Plus de 670 personnes se sont constituées partie civile, aussi bien des victimes des attaques que des locataires délogés par l'assaut du Raid le 18 novembre 2015 à Saint-Denis. Elles sont défendues par 110 avocats.

Depuis mercredi, les avocats des parties civiles ont également fait basculer les débats en s'attaquant aux "mensonges" des prévenus. Jawad Bendaoud savait forcément que des terroristes étaient en fuite, contrairement à ce qu'il dit, ont-ils plaidé. Il aurait en outre parlé au téléphone pendant plus de 3 minutes avec Hasna Aït Boulahcen alors qu'elle se trouvait dans le buisson où se cachaient Abdelhamid Abaaoud et l'autre jihadiste, Chakib Akrouh.

Les plaidoiries de la partie civile, qui ont démarré jeudi, devraient se terminer lundi. Le procureur doit rendre ses réquisitions mardi avant de laisser la parole aux avocats des prévenus. Le tribunal devrait annoncer son jugement dans les jours suivants.

Hasard du calendrier: lundi, c'est à Bruxelles que le seul survivant des commandos jihadistes, Salah Abdeslam, sera jugé. Au côté d'un complice, il comparaît pendant quatre jours pour sa participation présumée à une fusillade avec des policiers le 15 mars 2016 à Bruxelles, trois jours avant son arrestation.

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