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Le procureur François Molins, visage de l'antiterrorisme français

Devenu le visage de l'antiterrorisme français face aux attentats jihadistes qui frappent le pays depuis 2012, François Molins connaît, à 64 ans, la consécration en s'apprêtant à accéder au poste prestigieux de procureur général près la Cour de cassation.

Vendredi, son nom a été proposé par la chancellerie pour devenir le plus haut magistrat du parquet en France. Le Conseil supérieur de la magistrature doit encore l'auditionner mais ne pourra pas s'opposer à cette nomination, qui fait figure de bâton de maréchal pour sa fin de carrière.

Nommé procureur de Paris en novembre 2011, quatre mois avant les tueries (7 morts) de Mohamed Merah et dans les premiers mois de la guerre en Syrie, François Molins a été aux avant-postes face à la vague d'attentats depuis 2015 et à la multiplication des départs de jihadistes français, par dizaines puis par centaines.

D'emblée, il se montre peu convaincu par l'argument d'un engagement humanitaire ou par le portrait de combattants partant lutter contre la tyrannie sur le modèle des volontaires des Brigades internationales pendant la guerre d'Espagne.

Après les premiers retours de "combattants", le procureur accompagne le durcissement constant des poursuites, les revenants étant aujourd'hui systématiquement passibles de la cour d'assises.

La parole publique de celui qui dirige les enquêtes, seul autorisé à communiquer, est parcimonieuse, réservée aux périodes de crise, exercée sans gourmandise.

Devenues un rendez-vous incontournable après chaque attaque, ses conférences de presse débutent invariablement par un message de compassion aux victimes. Elles se poursuivent par un énoncé sobre des faits. Minutieusement préparées, elles ont pour objectif d'informer et de rassurer, sans gêner les enquêteurs.

La bataille étant aussi médiatique, le procureur assume aussi de saturer les journalistes de détails secondaires ou de brouiller les pistes pour préserver le coeur de l'enquête.

Comme ce 20 mars 2012, dans les heures qui précèdent l'assaut contre l'appartement où se terre Merah. Les enquêteurs ont mis un nom sur le tueur mais François Molins ne change pas de discours: "Tant qu'on n'aura pas quelque chose de crédible (...), toutes les pistes seront travaillées".

François Molins, qui s'enorgueillit d'avoir nommé un magistrat à plein temps chargé de la communication, revendique aussi régulièrement une forme de "transparence" au nom de la "confiance du public dans le bon fonctionnement de la justice et de la démocratie".

- Procès en indépendance vite éteints -

L'abord de ce Catalan d'origine, passionné de marches en montagne et à l'accent discrètement rocailleux, peut être austère, le regard bleu clair peut être intimidant. Mais l'émotion peut percer sous la carapace. Lors de sa première conférence de presse après le 13-Novembre, François Molins égrène horaires, lieux et bilans: les mots restent factuels, la voix tremble un peu.

Jusqu'à l'affaire Merah, il n'était pas spécialement un magistrat marqué "antiterrorisme". Ancien patron du parquet de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, où il était déjà connu pour souder ses équipes en les emmenant en randonnée, il a ensuite dirigé les cabinets des gardes des Sceaux de droite Michèle Alliot-Marie et Michel Mercier.

Sa nomination au poste-clé de procureur de Paris à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy, avait suscité des critiques à gauche, et les relations ont parfois été compliquées, sous la présidence Hollande, avec la ministre de la Justice Christiane Taubira.

Mais les procès en indépendance ont été vite éteints et certains à droite l'ont même accusé en coulisses de trop en faire dans les nombreuses affaires visant Nicolas Sarkozy et ses proches.

Sous couvert d'anonymat, un magistrat instructeur explique n'avoir jamais vu des dossiers politico-financiers suivre aussi librement leur cours. Qu'ils gênent la droite, comme dans le dossier du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy, ou la gauche, comme quand il a lancé l'enquête qui devait pousser à la démission le ministre socialiste du Budget Jérôme Cahuzac.

Ironie de l'histoire, cette dernière affaire, en débouchant sur la création du parquet national financier en décembre 2013, lui a paradoxalement fait perdre la main sur les principaux dossiers de grande délinquance financière.

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