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Le rugby au Japon: des clubs riches en cash, pauvres en spectateurs

Détenus par de grandes entreprises, les principaux clubs de rugby japonais peuvent s'offrir des joueurs de classe mondiale, mais l'affluence aux matches, désespérément faible, pourrait conduire à une profonde réforme du championnat national après la Coupe du monde.

Les Néo-Zélandais Dan Carter et Sonny Bill Williams, l'Australien George Gregan, l'Anglais James Haskell: la liste des éminents joueurs passés par la Top League japonaise ressemble à un Who's Who de la planète rugby.

Et le phénomène continue: le capitaine actuel des All Blacks, Kieran Read, son compatriote Brodie Retallick ainsi que le demi de mêlée australien Will Genia doivent rejoindre la Top League après le Mondial 2019.

Pour de telles vedettes souvent en fin de carrière, le championnat nippon a de quoi attirer, avec les hauts salaires qu'il promet, ses saisons courtes (3-4 mois) et moins rudes physiquement.

En juin, le demi d'ouverture australien Christian Lealiifano a ainsi justifié son départ vers le club nippon des Shining Arcs, propriété du géant japonais des télécommunications NTT, par une offre "trop difficile à refuser".

Pour sa pige au club des Kobelco Steelers de Kobe (ouest) qu'il avait rejoints l'an dernier après trois saisons au club francilien du Racing 92, Dan Carter aurait perçu environ 1,3 million de dollars (près de 1,2 million d'euros), sans compter de lucratifs contrats publicitaires au Japon.

Mais jusqu'à présent, ce flot de vedettes internationales n'a pas pu enrayer la désaffection du public: les matches de Top League se jouent généralement devant quelques milliers, voire parfois quelques centaines de spectateurs à peine.

- "N'importe qui avec deux jambes" -

La Top League "est un championnat de clubs de grandes entreprises: ils ne représentent pas une ville, ils n'ont pas de stade" permettant une vraie ambiance à domicile, explique à l'AFP Akimoto Hinato, un expert du rugby au Japon.

C'est "difficile dans ces conditions d'attirer les foules", hormis des supporters des entreprises elles-mêmes, ajoute-t-il.

Ces grands groupes (Toyota, Honda, Toshiba, Suntory...) sont prêts à injecter beaucoup d'argent dans leurs clubs de rugby, qu'ils voient comme une vitrine de leur propre prestige.

Cette tradition a démarré après la Seconde Guerre mondiale, quand des entreprises du pays ont fondé des clubs de rugby pour y faire jouer leurs salariés, afin de les souder davantage et d'améliorer leur condition physique.

Même si ce championnat national amateur est monté en gamme en devenant en 2003 la Top League, encore aujourd'hui beaucoup d'équipes mêlent d'anciens rugbymen internationaux avec des joueurs semi-professionnels.

Certains de ces semi-professionnels, salariés de l'entreprise propriétaire de leur club, manquent parfois des entraînements à cause de leur travail principal. Et ils ne perçoivent généralement qu'une rémunération symbolique au titre de leur activité sportive.

Ce système hybride pénalise la qualité du jeu offert par la Top League. "N'importe qui avec deux jambes pourrait jouer ici", a ironisé un jour l'ailier fidjien de Montpellier Nemani Nadolo, qui a évolué en Top League de 2011 à 2015.

- Vers un championnat 100% professionnel -

Cependant d'après M. Hinato, l'apport de vedettes internationales "a été un gros plus" pour les joueurs nippons de la Top League, "qui ont nettement progressé" à leurs côtés.

Pour améliorer la qualité de jeu - et séduire enfin le public - les responsables du rugby japonais avaient beaucoup misé sur un nouveau club basé à Tokyo, les Sunwolves, première équipe japonaise à avoir rejoint en 2016 le Super Rugby, ligue internationale opposant les meilleures équipes de Nouvelle-Zélande, d'Australie, d'Afrique du Sud et d'Argentine.

Las: les organisateurs du Super Rugby ont récemment décidé d'écarter les Sunwolves du tournoi après la saison 2020, au vu de leurs piètres résultats jusqu'à présent.

Un nouveau championnat national nippon à 12 clubs, composés cette fois de joueurs 100% professionnels, est désormais envisagé à l'horizon 2021.

Selon M. Hinato, "six à huit clubs" de la Top League actuelle sont déjà favorables au projet, impliquant aussi de s'identifier véritablement à une ville ou à une région.

"C'est l'événement le plus important pour le futur du rugby japonais, bien plus que la Coupe du monde de rugby elle-même", assure l'expert.

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