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Le secteur humanitaire ébranlé par le scandale Oxfam

Dans le sillage du scandale Oxfam, visée par des accusations de viols lors de missions de terrain, c'est tout le secteur humanitaire qui est ébranlé: les ONG craignent les amalgames et promettent des mesures contre ces pratiques bien éloignées de leurs objectifs.

Plusieurs employés d'Oxfam, puissante confédération d'une vingtaine d'ONG présentes dans plus de 90 pays, sont accusés de viols au cours de missions humanitaires au Soudan du Sud, d'abus sexuels au Liberia et d'avoir, entre autres, fait appel à des prostituées à Haïti, ainsi qu'au Tchad.

"C'est scandaleux. C'est détourner nos missions, les salir. Et c'est d'autant moins acceptable quand on est censé œuvrer pour le respect des droits de l'Homme", lâche Joël Weiler, directeur général de Médecins du monde (MDM).

Mais il n'existe pas de "culture d'abus sexuels" dans l'humanitaire, assure-t-il, appelant à ne "pas mettre tout le monde dans le même panier". "C'est un milieu jeune sur le terrain, 25-35 ans. Alors des dérapages, il y en a, les humanitaires ne sont pas épargnés par le phénomène. Mais des orgies comme ça, non", affirme celui qui a passé 18 ans sur le terrain.

"Ca risque de jeter un discrédit sur l'ensemble d'organisations qui reposent sur la générosité publique pour vivre", craint Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch.

Environ deux fois plus d'annulations de dons par prélèvements ont été enregistrées entre samedi et lundi (1.270 contre 600 habituellement), a indiqué un porte-parole d'Oxfam à l'AFP.

"En même temps, d'autres dons ont été perçus, ainsi que des souscriptions pour devenir donateurs réguliers", a-t-il toutefois précisé. Pour lui, il est "trop tôt pour mesurer l'impact que cette crise aura sur les dons".

L'ONG, menacée de perdre des subventions publiques (19% de ses ressources), est financée à 56% par des dons collectés auprès du public.

- "Planches pourries" -

Face à ces dérives, la plupart des ONG interrogées comptent rappeler les "bonnes pratiques" à leurs salariés. Chez Médecins sans frontières (MSF), on explique qu'une "réflexion" est en cours.

"C'est notre devoir moral et notre responsabilité d'employeurs de s'assurer que nous avons des politiques pour éviter cela. Nous devons être en mesure d'apporter des réponses appropriées en cas de signalement et mettre fin à l'impunité", estime Sylvie Brigot Vilain, directrice d'Amnesty International France.

Avant Oxfam, le monde de l'humanitaire avait déjà été touché par plusieurs scandales similaires. Des affaires impliquant des Casques bleus des Nations Unies ont notamment été dévoilées au début des années 2000 au Népal, en Centrafrique, en Haïti, en République démocratique du Congo ou encore en Côte d'Ivoire.

Cette fois, il est reproché à la direction de l'ONG basée en Grande-Bretagne d'avoir sciemment dissimulé le scandale et laissé les salariés incriminés, licenciés ou autorisés à démissionner, rejoindre d'autres ONG, sans mettre en garde ces dernières .

Le directeur de la mission Oxfam à Haïti, mis en cause, a ainsi pu prendre la tête d'une autre mission au Bangladesh pour le compte d'Action contre la faim (ACF).

Dans un communiqué lundi, l'ONG française a déclaré ne pas avoir été avertie des agissements de cette personne alors qu'elle avait contacté d'anciens employeurs lors du processus de recrutement.

"C'est fou que ça puisse arriver", s'indigne Joël Weiler, de MDM. "L'humanitaire, c'est un tout petit milieu, les planches pourries, les gens qui traînent des valises, on les connaît".

Pour l'organisation Don en confiance, qui observe les bonnes pratiques des ONG et associations pour assurer la confiance des donateurs, la manière dont la direction d'Oxfam a réagi est "extrêmement choquante".

"Les personnes mises en cause n'auraient pas dû pouvoir continuer à intervenir sur le terrain. Les bénéficiaires auraient dû être protégés", estime la directrice Nathalie Blum.

Selon elle, les ONG doivent maintenant mettre en place "des procédures", notamment dans le recrutement, pour empêcher ce genre de problème.

Selon elle, "un accès au casier judiciaire des personnes envoyées sur le terrain, comme c'est désormais le cas pour les enseignants depuis les cas de pédophilie en France, pourrait être une piste".

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