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Irak: en tête des législatives, le populiste Moqtada Sadr tend la main

Les Irakiens ont créé la surprise lundi en plaçant en tête des législatives le chef nationaliste chiite Moqtada Sadr, qui a aussitôt proposé aux principaux partis de former une coalition gouvernementale.

Selon des résultats quasiment définitifs du scrutin de samedi, le Premier ministre Haider al-Abadi, pourtant crédité d'un large soutien international et de la récente victoire face aux jihadistes, est largement distancé.

Comme le système est calibré pour empêcher toute domination d'un parti, la Constitution stipule qu'il revient au chef de la liste ayant obtenu le plus grand nombre de siège de former le gouvernement. Moqtada Sadr qui n'a jamais concouru dans un scrutin devra choisir celui-ci.

Dans un message en forme de jeu de mots sur twitter, le leader populiste, a tendu la main aux principales forces politiques, à deux exceptions près: la liste constituée par d'anciens chefs du Hachd al-Chaabi, des supplétifs de l'armée proches de l'Iran, qui arrive en seconde position et l'ancien Premier ministre Nouri al-Maliki, avec lesquels il a un lourd contentieux.

Les deux vainqueurs du scrutin ont adopté dans le passé une rhétorique hostile aux États-Unis, allant même jusqu'à les affronter militairement, avant de faire front commun avec eux pour bouter le groupe Etat islamique (EI) hors du pays.

Cependant ils divergent sur les relations avec le puissant voisin iranien. Moqtada Sadr, issu d'une lignée de dignitaires religieux, est farouchement attaché l’indépendance politique de l'Irak et s'est même rapproché de l’ennemi juré de Téhéran l'Arabie saoudite.

A l'inverse, la tête de liste du Hachd, Hadi al-Ameri et plusieurs autres candidats sont alignés sur la politique iranienne.

Ces scores interviennent au moment même où les Etats-Unis et l'Iran sont à couteaux tirés après le retrait par le président américain Donald Trump de l'accord sur le nucléaire iranien.

En 2014, Washington et Téhéran s'étaient tacitement accordés sur le nom de Haider al-Abadi, écartant son rival au sein du parti Daawa, Nouri al-Maliki, dont le projet de revenir aux commandes a échoué.

Les Etats-Unis et l'Iran se sont abstenus jusqu'ici de commenter les résultats.

- "Rejet de la corruption" -

L'alliance inédite des sadristes et des communistes sur un programme anticorruption ("La marche pour les réformes") arrive en tête dans six des 18 provinces, dont Bagdad, et en deuxième position dans quatre autres.

Ses partisans, qui manifestent chaque semaine contre la corruption, se sont rassemblés à l'annonce des premiers résultats pour manifester leur joie.

"La victoire de +La marche pour les réformes+ n'arrive pas par hasard, elle vient pour prouver le rejet de la corruption" au sein d'une classe politique inamovible depuis la chute en 2003 de Saddam Hussein, a affirmé à l'AFP Jabra al-Taï, candidate du mouvement.

Derrière, l'Alliance de la Conquête du Hachd al-Chaabi est en tête dans quatre provinces, dont Bassora, la grande ville du sud, et en deuxième position dans huit autres.

M. Abadi est devancé dans toutes les provinces à l'exception de celle de Ninive, dont le chef-lieu est Mossoul, ancienne "capitale" de l'EI dont il avait annoncé la "libération" mi-2017, où il est en tête.

Ces résultats officiels du scrutin peuvent encore varier car le dépouillement se poursuit et la commission électorale se refuse jusqu'ici à communiquer les résultats dans la province kurde de Dohouk.

Elle a également laissé de côté pour le moment les scores dans la région multi-ethnique de Kirkouk, récemment reprise par Bagdad aux Kurdes que les Arabes et les Turkmènes contestent.

En fin d'après-midi M. Abadi a, dans une allocution télévisée, salué "les listes gagnantes" et appelé à "respecter les résultats".

Pour ce premier scrutin depuis la victoire sur l'EI, 44,52% des inscrits ont voté selon la commission électorale, la participation la plus basse depuis la chute de Saddam Hussein.

- Camouflet -

De façon générale, les électeurs ont infligé un camouflet à l'ensemble de la classe politique.

L'abstention a été telle qu'un candidat du Hachd est allé jusqu'à plaisanter sur le fait qu'il y avait "plus de participants pour décrocher les affiches de campagne (...) que pour voter".

"L'importante abstention résulte du fait que les politiques menées depuis 15 ans ne convainquent plus les électeurs", a souligné le politologue Amir al-Saadi.

"La plupart des programmes des partis politiques des législatures précédentes étaient très attrayants sur le papier, mais dans la pratique les promesses se sont envolées", a-t-il ajouté.

L'abstention a toutefois été moindre parmi les Kurdes et à Mossoul.

La liste du vice-président laïc Iyad Allawi, bien placée dans les régions sunnites, reste la première force représentant cette minorité.

Dans un pays où les jeunes représentent 60% de la population, ils ont été les grands absents du scrutin.

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