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Les agriculteurs américains ébranlés par les sanctions chinoises

L'Amérique rurale chère à Donald Trump est sur le qui-vive face à l'attaque frontale de Pékin contre le soja produit aux États-Unis, une décision qui pourrait entamer fortement les exportations mais sans toutefois bouleverser complètement le secteur.

La Chine est le plus important acheteur de cet oléagineux américain: elle en a commandé pour 12 milliards de dollars en 2017, soit environ 30% de la production du pays.

En représailles à des sanctions commerciales annoncées par Washington, Pékin a affirmé mardi vouloir imposer des droits de douane à hauteur de 25% sur ses achats de soja.

Les producteurs américains redoutaient cette décision.

"On a averti l'administration et les membres du Congrès que cela allait arriver dès que la perspective de taxes sur les importations a été évoquée", rappelle John Heisdorffer, agriculteur dans l'Iowa et président de l'Association américaine des producteurs de soja.

La décision chinoise "aura un effet dévastateur sur tous les producteurs de soja aux États-Unis", affirme-t-il.

Le prix de l'oléagineux a brusquement chuté d'environ 5% à la Bourse de Chicago après l'annonce de Pékin. Il s'est un peu repris depuis mais reculait encore à la mi-journée de quelque 3%.

La Chine avait déjà envoyé un avertissement en lançant début février une enquête sur les importations de sorgho américain, dont elle a commandé pour environ 1 milliard de dollars l'an dernier.

Une décision "forcément politique" puisque la céréale est produite principalement dans le Texas, l'Oklahoma et le Kansas, des États où le président américain est arrivé largement en tête aux élections de 2016, selon Bill Nelson du cabinet Doane Advisory Services.

Plusieurs acteurs du marché misent encore sur une résolution du problème avant que les taxes n'affectent de plein fouet les agriculteurs américains.

"Il reste du temps pour limiter les dégâts et l'administration peut soutenir les agriculteurs en retirant les taxes qui ont causé cette mesure de représailles", plaide M. Heisdorffer en appelant Donald Trump à une action " constructive" et non "punitive".

- Nourrir porcs et poulets -

Si la Chine met quand même sa menace à exécution, cela "modifiera la structure des échanges commerciaux", estime Bill Nelson.

Pékin se tournera probablement plus vers les deux principaux concurrents des États-Unis, le Brésil et l'Argentine, mais les producteurs américains récupéreront d'autres clients.

"Je peux assurer aux agriculteurs qu'on va continuer à investir pour trouver de nouveaux débouchés", affirme Lewis Bainbridge, producteur dans le Dakota du Sud et président du United Soybean Board, une organisation de promotion du soja américain.

Les fermiers avaient déjà prévu de semer moins de soja ce printemps que l'an dernier, selon un rapport publié la semaine dernière.

Même si beaucoup d'entre eux ont déjà acheté leurs semences et leurs engrais, "des ajustements supplémentaires sont encore possibles", note Chad Hart, économiste à l'Université de l’État de l'Iowa.

De plus, "à moins que la Chine ne souhaite réduire considérablement sa production de viande, il faut bien nourrir les animaux et il n'y a pas beaucoup d'alternatives au soja pour les poulets et les porcs", souligne Bill Nelson.

Pékin peut certes recourir à ses abondantes réserves et inciter ses propres agriculteurs à semer plus de soja. "Mais ce genre de mesures n'aura un impact qu'à la marge", estime-t-il.

Dans le même temps, "aucun autre pays ne peut augmenter suffisamment sa production pour compenser le soja américain", remarque Chad Hart.

La Chine devra de toute façon continuer à se fournir auprès des États-Unis. "Le soja reviendra juste plus cher, ce qui conduira au final à des prix plus élevés pour ses consommateurs", prévoit-il.

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