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Les artistes saoudiens profitent des projets culturels en Arabie

L'Arabie saoudite a dévoilé un projet artistique grandiose dans le désert "la vallée des Arts", qui exposera en 2024 des oeuvres d'artistes locaux et étrangers, illustrant la volonté d'ouverture du royaume conservateur à la culture et au tourisme.

L'inititiave présentée lundi va exposer les oeuvres de cinq artistes dont deux saoudiens. Parmi eux, Ahmed Mater, un artiste engagé dont une des oeuvres phares, "Evolution de l'Homme", représentant les méfaits de l'industrie pétrolière, a longtemps été jugée trop délicate pour être exposée dans le royaume.

A travers la transformation d'une silhouette sur des panneaux lumineux, l'artiste y dénonce l'emprise du pétrole sur le monde. Créée en 2010, cette oeuvre a enfin été montrée au public saoudien en juin à Ryad.

"Je crois dans les changements quand ils viennent de la base, mais si on peut les encourager d'en haut c'est encore mieux", a estimé Ahmed Mater à l'AFP, faisant référence à l'impulsion donnée par les autorités pour encourager l'art dans le royaume.

"C'est ce qui est nouveau", ajoute-t-il.

- La "vallée des arts" -

Autour d'Al-Ula, une ville de la région de Médine dans le nord-ouest du pays, le projet Wadi AlFann - "vallée des arts" - va exposer sur 65 kilomètres carrés de désert des œuvres s'inspirant du mouvement du "land art", une forme d'art consistant en interventions de grande ampleur sur la nature et les paysages.

L'une des pionnières de ce mouvement, l'Américaine d'origine hongroise Agnes Denes, figure parmi les trois artistes étrangers choisis pour ce projet.

L'idée est aussi de faire d'Al-Ula, célèbre pour ses tombes nabatéennes disséminées au milieu des montagnes et des oueds de grès, une destination touristique.

Ce projet ambitieux et monumental devrait attirer des visiteurs sur plusieurs générations, affirme la conservatrice du projet, Iwona Blazwick, ancienne directrice de la Whitechapel Gallery de Londres.

L'artiste saoudienne Manal AlDowayan, dont les oeuvres analysent la place des femmes dans la société saoudienne, se félicite d'avoir été choisie pour ce projet.

Si elle reconnait avoir été plus souvent exposée à l'étranger que dans son pays d'origine, elle soulignant n'avoir jamais été inquiétée dans sa carrière d'artiste par les autorités saoudiennes.

"J'abordais des sujets très durs à l'époque où le contexte était vraiment répressif, et je n'ai pas eu de problème (...) Je n'ai jamais été censurée", assure-t-elle.

Pour la chercheuse Eman Alhussein, du Arab Gulf States Institute à Washington, les artistes visuels qui manient l'art conceptuel ont toujours eu plus d'espace de liberté que les activistes, car "leurs œuvres peuvent être interprétées de différentes manières".

Depuis l'arrivée du prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) au pouvoir en 2017, le pays cherche à moderniser son image en misant notamment sur l'art.

Au point que Manal AlDowayan s'étonne d'être désormais "constamment exposée" dans le royaume.

"Je suis redécouverte par mon peuple, ma communauté. Ils avaient l'habitude de me suivre sur Instagram. Maintenant, ils peuvent réellement aller voir les œuvres d'art", se réjouit-elle.

- Une autre époque -

Ahmed Mater affirme également qu'il n'a pas eu de problèmes avec les autorités.

Mais ce n'est pas le cas pour tout le monde ajoute-t-il, citant la situation d'Ashraf Fayadh, un poète palestinien résident en Arabie, emprisonné depuis près de dix ans pour apostasie et condamné à mort, une peine ramenée en appel à huit ans de prison.

Pour l'artiste, cette affaire illustre certes une autre époque mais elle ne doit pas être oubliée. "Ashraf doit sortir de l'ombre", affirme-t-il, en espérant la libération prochaine de son ami.

En attendant, Ahmed Mater poursuit son travail engagé.

Dans la "vallée des arts", il créera des tunnels où pourront se promener les visiteurs qui verront aussi projeter leur image, leurs hologrammes sur des dunes de sable, comme une sorte de mirage.

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